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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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cessé de trembler pour que vous puissiez les assembler ?
    Il se mit à rire et ils rirent avec lui. Ils l’aimaient.
    Blessés ou non, les vainqueurs se mirent en rang sans ordre de préséance, ensemble avec les servants et les hilotes. Ils réservèrent un espace pour le roi et ceux qui étaient aux premiers rangs mirent genou en terre pour que ceux de l’arrière pussent voir et entendre. Léonidas s’assura que chacun, en effet, pourrait l’entendre et le voir. Le célébrant du combat, en l’occurrence Olympias, présenta au roi le panier des billets. Léonidas prit un à un les « billets du vin » et en lut chaque nom. Il ne prononça aucun éloge, il ne dit que les noms. Pour les Spartiates, c’était la consécration suprême.
    Alcmène. Damon. Antalkide. Lysandre…
    Les corps, déjà récupérés par les servants, seraient lavés et oints d’huiles ; des prières seraient dites, des sacrifices offerts. Chacun des morts serait enterré dans son manteau ou celui d’un ami et il reposerait là, parmi ses camarades, sous un tumulus d’honneur. Seuls l’épée, la lance, le bouclier et l’armure seraient ramenés au pays par ses camarades, à moins que les augures ne décident qu’il serait plus honorable que les cadavres aussi fussent ramenés à Lacédémone pour l’inhumation.
    Léonidas présenta son propre billet et en joignit les deux moitiés.
    — Frères et alliés, je vous salue. Unissez-vous, amis, pour entendre les mots de mon cœur.
    Il observa solennellement une pause et, quand le silence se fit, il reprit la parole.
    — Quand un homme ajuste devant ses yeux le visage de bronze de son casque et qu’il prend le départ, il se divise en deux, à l’instar de son billet. Il est une moitié qu’il laisse à l’arrière. C’est celle qui caresse ses enfants, chante dans les chœurs et étreint sa femme dans la douce pénombre du lit. Cette moitié-là, la meilleure de lui, le guerrier la laisse à l’arrière. Il évacue alors de son cœur toute tendresse et toute miséricorde, toute représentation de l’ennemi en tant qu’humain pareil à lui-même. Il avance dans la bataille chargé de la seconde moitié, la plus élémentaire, celle qui ne sait que donner la mort et qui est aveugle à la compassion. Sinon, il ne pourrait pas se battre.
    Les hommes écoutaient solennellement. Léonidas avait alors cinquante-cinq ans. Il s’était battu dans maintes guerres depuis qu’il avait vingt ans ; il portait sur ses épaules et ses cuisses, son cou et sa barbe couleur d’acier des cicatrices vieilles de trente ans.
    — Puis cet homme émerge sain et sauf du combat. Il entend qu’on l’appelle, il vient prendre son billet et il récupère cette part de lui-même qu’il avait laissée à l’arrière. C’est un moment sacré, où cet homme éprouve la présence des dieux aussi proche que sa propre haleine. Par quelle mystérieuse miséricorde avons-nous été épargnés aujourd’hui ? Pourquoi foulons-nous encore la terre, nous qui ne sommes ni meilleurs, ni plus courageux, nous qui n’avons pas rendu aux dieux plus d’hommages que ceux qu’ils ont dépêchés aux enfers ? Quel autre sentiment qu’une profonde gratitude l’homme peut-il éprouver envers les dieux ? Demain peut-être leur humeur changera-t-elle. La semaine prochaine, l’année prochaine. Mais aujourd’hui, le soleil baigne encore le vainqueur ; il chauffe ses épaules et éclaire le visage des camarades qu’il aime.
    Léonidas se tut un moment.
    — J’ai donné l’ordre qu’on cesse de pourchasser l’ennemi. J’ai mis fin au massacre de ceux qu’aujourd’hui nous avons appelés des ennemis. Qu’ils retournent chez eux, à leurs femmes et à leurs enfants. Qu’ils pleurent de reconnaissance, comme nous, et qu’ils offrent des sacrifices aux dieux. Que personne ne se méprenne sur les raisons pour lesquelles nous nous sommes ici battus contre d’autres Grecs. Pas pour les conquérir ou les réduire en esclavage, car ce sont des Grecs, mais pour en faire des Alliés contre un plus grand ennemi. Nous espérions les y amener par la persuasion. Il a fallu que ce fût par la force. Qu’importe, ils sont désormais nos alliés et, dès à présent, nous les traiterons comme tels. Mais les Perses !…
    La voix de Léonidas s’enfla soudain d’émotion explosive au point que ceux qui se trouvaient près de lui sursautèrent.
    — Les Perses sont la raison pour laquelle nous nous sommes

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