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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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l’histoire. Il a été tué à Pellène. Il est mort comme un héros, à trente et un ans. C’était l’homme le plus noble de sa génération, un chevalier, un vainqueur à Olympie, aussi doté par les dieux en courage et en beauté que Polynice dans cette génération-ci. Il m’a poursuivie passionnément et avec une telle impétuosité qu’il m’a enlevée à la maison de mon père quand j’étais encore une jeune fille. Tous les Spartiates le savent. Mais je vais te dire quelque chose que personne ne sait, à l’exception de mon mari.
    Parvenue à la branche basse d’un chêne qui pouvait faire office de banc, elle s’y assit et me fit signe de prendre place près d’elle.
    — Là-bas, dit-elle en indiquant un espace entre deux bâtiments de ferme et le chemin qui menait à l’aire de battage, là où le chemin bifurque, c’est là que j’ai vu Dienekès pour la première fois. C’était une journée de campagne comme celle-ci. Iatroclès partait pour sa première campagne. Il avait vingt ans. Mon père m’avait emmenée avec mes frères et sœurs, nous étions venus de notre propriété avec des fruits et un chevreau. Les garçons de la ferme jouaient, juste alors que j’arrivais, tenant la main de mon père, sur cette butte où nous nous trouvons.
    Elle fit une pause, cherchant mon regard pour s’assurer que je la suivais et que je comprenais.
    — J’ai d’abord vu Dienekès de dos. Rien que ses épaules nues et l’arrière de sa tête. J’ai su à cet instant que ce serait lui et rien que lui que j’aimerais toute ma vie.
    Son expression devint grave à l’évocation de ces mystères, les injonctions d’Éros et les cheminements mystérieux du cœur.
    — J’ai attendu qu’il se retourne, pour que je puisse voir son visage. C’était étrange, comme écrit d’avance : on attend, le cœur battant, pour voir le visage qu’on doit aimer. À la fin il s’est retourné. Il luttait avec un autre garçon. Même alors, il n’était pas beau. On eût eu peine à croire qu’Iatroclès et lui étaient frères. Mais il m’apparaissait comme l’âme de la beauté, eueidestatos. Les dieux n’auraient pas pu façonner un visage pour moi aussi touchant. Il avait treize ans et moi neuf.
    Elle s’interrompit de nouveau, le regard fixé sur le lieu dont elle parlait. Durant toute sa prime jeunesse, elle n’eut pas, expliqua-t-elle une seule occasion de parler en tête-à-tête avec Dienekès. Elle l’observait parfois sur les pistes de course et lors des exercices de son peloton d ’agogê. Elle ignorait même s’il se doutait de son existence. Elle savait toutefois que le frère de Dienekès l’avait choisie et qu’il s’en était entretenu avec les aînés de sa famille.
    — J’ai pleuré quand mon père m’a dit qu’il avait donné ma main à Iatroclès. Je détestai ma propre ingratitude. Qu’est-ce qu’une fille aurait pu demander de mieux que cet homme noble et courageux ? Mais je ne pouvais commander à mon cœur. J’aimais le frère de cet homme admirable que j’allais épouser. Quand Iatroclès fut tué, mon chagrin fut infini. Mais sa cause n’était pas ce que les gens croyaient. Je craignais que les dieux n’eussent exaucé ma prière égoïste. J’attendis que Dienekès choisît pour moi un nouveau mari, comme la loi l’y oblige, et, comme il ne le fit pas, j’allai vers lui, toute honte bue, dans la poussière de la palestre et je le contraignis à me choisir comme épouse.
    » Mon mari accepta cet amour et me le rendit amplement, poursuivit-elle, sur les cendres encore chaudes de son frère. Le plaisir que nous prenions l’un à l’autre, notre joie secrète dans le lit conjugal, fut si vif que cet amour devint une malédiction. Je pouvais, moi, faire taire ma propre faute, c’est facile pour une femme quand elle sent palpiter en elle la vie que son mari a semée. Mais, quand les enfants naquirent et que les uns après les autres ce ne furent que des filles, et quand je perdis ma capacité de concevoir, je sentis que c’était la façon qu’avaient les dieux de nous punir pour notre passion, et il le sentit aussi.
    Son regard erra vers la pente. Les gamins, y compris mon propre fils et le petit Idotychide, s’étaient échappés de la ferme et ils s’ébattaient juste à nos pieds.
    — Puis vint la convocation des Trois Cents pour les Thermopyles et j’éprouvai là enfin la véritable perversité des desseins divins. Sans un enfant

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