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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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donné l’ordre, ils allongèrent donc le pas. L’allure devint difficile à tenir pour l’intendance. Les chariots et les ânes de trait ne pouvaient tout simplement pas les suivre et plusieurs des équipements qu’ils transportaient furent chargés à dos d’homme. Moi, j’allai nu-pieds, le manteau roulé en un ballot sur le dos ; je portais le bouclier de mon maître dans son étui de cuir, ses jambières et son armure, ce qui représentait bien soixante-cinq livres, plus notre literie et nos équipements de campagne, mes propres armes, trois carquois de têtes de lances enveloppées dans une peau de chèvre huilée et une variété d’autres objets de première nécessité : des hameçons, du catgut, des sachets d’herbes médicinales, ellébore, digitale, euphorbe, oseille, marjolaine et résine de pin ; des garrots, des pansements pour les mains, des compresses de lin, des « chiens » de bronze qu’on chauffait pour cautériser les blessures franches, des « fers » pour les lacérations superficielles, du savon, des semelles de rechange, des peaux de taupe, un nécessaire à coudre ; puis les ustensiles de cuisine, une broche, un pot, un pilon, des silex et du petit bois ; de l’huile à meuler pour polir le bronze, de la toile huilée en cas de pluie, cet instrument combinant le pic et la pioche qu’on appelait un hyssax , terme de l’argot militaire pour l’orifice féminin. Enfin, les provisions, orge non moulue, oignons, fromage, ail, figues, viande de chèvre séchée, et de l’argent, des charmes et talismans.
    Mon maître portait pour sa part un châssis de bouclier de rechange, nos sandales et nos courroies, des rivets et une trousse d’outils, son corselet de cuir, deux lances de frêne et de cornouiller ainsi que des têtes de rechange, un casque et trois épées, l’une à sa ceinture et les deux autres attachées au sac d’une quarantaine de livres qui contenait d’autres rations et de l’orge non moulue, deux outres de vin et une d’eau, plus le « sac à douceurs » de gâteaux préparé par Aretê et ses filles, emballé dans deux épaisseurs de linge huilé, pour empêcher l’odeur des oignons voisins de les imprégner. D’un bout à l’autre de la colonne, chaque guerrier et son servant portaient à eux deux de deux cents à deux cent vingt livres de charge.
    La colonne comptait un volontaire non inscrit ; c’était une chienne de chasse rousse nommée Styx, qui appartenait à Périnthe, un éclaireur skirite qui avait été personnellement choisi par le roi. La chienne avait suivi son maître depuis Sparte et, n’ayant plus de foyer, elle le suivait toujours. Pendant une heure entière, elle patrouillait attentivement le long de la colonne, repérant par les odeurs la position de chacun, puis elle retournait à son maître skirite, désormais surnommé Chien, et trottait infatigablement sur ses talons. Il ne faisait pas de doute que, pour cette chienne, tous ces hommes lui appartenaient. Selon Dienekès, elle nous dirigeait et elle faisait un sacré boulot.
    Au fur et à mesure que nous avancions, la campagne devenait de plus en plus déserte. Tout le monde avait déguerpi. Quand nous arrivâmes enfin en Phocide, approchant des Portes, ce fut le désert absolu. Léonidas dépêcha des éclaireurs dans les places fortes des montagnes où les armées locales s’étaient repliées, pour les informer au nom du Congrès hellénique que les Alliés occupaient le site et que leur intention était de défendre la Phocide et la Locride, que ces gens-là se fissent voir ou non. Le message du roi ne fut pas rédigé sur un rouleau militaire, comme c’était la coutume, mais sur ces chiffons de lin qu’on employait pour inviter de la famille et des amis à une fête ; il se concluait par ces mots : « Venez tels que vous êtes. »
    Cet après-midi-là, six jours après le départ, les Alliés atteignirent Alpenoi ; une demi-heure plus tard, ils étaient aux Thermopyles. À la différence des campagnes traversées, le champ de bataille, ou du moins ce qui allait en être un, n’était pas du tout abandonné. Plusieurs habitants d’Alpenoi et d’Anthela, le village de l’extrémité nord, qui se dresse au bord de la rivière Phénix, avaient installé des baraques de fortune pour y faire des affaires. Certains faisaient cuire des pains d’orge et de blé, un autre avait installé un débit de boisson, et deux compères entreprenants avaient même ouvert

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