Les Mystères de Jérusalem
désigna un vieux Patrol Nissan, la carrosserie constellée de retouches de peinture, qui restait une cinquantaine de mètres derrière eux, se laissant parfois distancer pour toujours revenir en vue.
En ce début d'après-midi, la route de Jéricho était très encombrée. Une interminable file de camions-citernes montait poussivement la côte en direction dejérusalem. tandis que, dans l'autre sens, un inévitable convoi militaire ralentissait la circulation.
Cinq kilomètres après la sortie de Jérusalem, dans la petite portion d'autoroute qui serpentait entre les collines, Tom, au volant, décida de faire un test. E déboita pour doubler la colonne militaire puis poussa progressivement le V8 du Range Rover. Le sifflement des soupapes fit entendre un chant doucereux, mais le 4 X 4 tenait impeccablement le cap.
Calimani, sanglé dans son siège de velours, pareil à un gros bébé dans sa tenue de jogging, son chapeau de toile toujours sur la tête, s'agita.
- Hé! nous ne sommes pas si pressés!
- je voudrais être certain qu'ils nous suivent.
- J'ai horreur des vitesses excessives.
- «a, il faudra vous y faire.
Derrière, le Patrol déboilta à son tour et commença à dépasser les camions militaires. Tom s'ouvrit la voie avec des appels de phare, enclencha la cinquième et enfonça un peu plus l'accélérateur. Le compte-tours grimpa. Le Range Rover se mit à grogner comme un doux fauve, ses deux tonnes bientôt lancées à cent quatre-vingt-dix kilomètres heure sur l'asphalte irrégulier.
Sur la voie de droite, les voitures disparaissaient telles des ombres.
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F
- Ne faites pas l'idiot, chuchota Calimani, la main droite crispée sur la barre de maintien du tableau de bord. Ce n'est pas le moment de nous ficher en l'air!
- Ne vous en faites pas.
- Ou de nous faire arrêter pour excès de vitesse!
- Vous passerez un S.O.S. à Doron, rigola Tom en désignant la radio.
Regardez plutôt ce qui se passe derrière... C'est tout à fait intéressant!
Difficilement, avec précaution, comme s'il devait lutter contre la pression de l'air qui frappait le pare-brise, Calimani se contorsionna pour apercevoir le vieux Patrol qui, comme eux, cent ou cent cinquante mètres en arrière, les suivait sans se laisser distancer.
- Eh bien, quoi? Ils nous suivent, puisqu'ils sont là pour ça... je vous avais prévenu que c'étaient eux.
Et rien ne vous choque ?
¿ part votre façon de conduire, non! souffla Calimani.
Précisément ' sourit Tom. Nous naviguons à presque deux cents kilomètres heure et ils nous suivent sans problème avec leur tas de ferraille. Même neuf, il devrait à peine atteindre le cent quarante!
- Et alors?
- Alors c'est une voiture maquillée, au moins munie d'un moteur gonflé.
- MmIn...
- je suppose qu'on peut en déduire d'autres conséquences...
- De toute manière, l'objectif n'est pas de les semer, n'est-ce pas?
Ce n'est pas non plus d'aller se jeter dans la gueule du loup sans savoir combien il a de dents, fit Tom en ralentissant, et, levant un doigt : quand Le vikoureux, armé, monte la garde dans sa cour, ses biens sont en paix.
Mais qu'un plus v*oureux que lui survienne et le vainque..
il lui enlève l'armement auquel il se confiait et distribue ses &pouilles, saint Luc, XI, 21-22. Oui, je sais! Vous doutiez que nous ayons affaire à
des gens puissants? Eh bien, vous êtes rassuré maintenant, grogna Ca‚mani.
Vous pouvez rouler normalement.
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Tom se demanda si le professeur avait réellement peur ou s'il jouait la comédie. Décidémen4 Calimani soignait ses bizarreries comnie un jardinier ses roses.
Il ralentit et se remit sur la file de droite. Presque aussitôt, il aperçut l'étrange scintillement p‚le au creux de la vallée, étale comme celui d'une gigantesque patinoire : la mer Morte. quelques kilomètres encore et il reconnut les bandes rousses, terre de Sienne, jaunes ou ocre, qui se succédaient sur la côte immensément plate, s'entremêlaient, striées soudain de veines de lin ou de chanvre que leur floraison naissante recouvrait par endroits de fines coulées d'or. C'était le spectacle qu'il avait découvert avec Orit.
Il ne devait surtout pas penser à Orit. Ne pas laisser monter les images de leur nuit, ne pas les laisser l'envahir, le submerger au point d'avoir besoin de refermer les doigts contre ses paumes pour les empêcher de se souvenir de la peau d'Orit. Deux ou trois fois depuis le matin, cela lui était arrivé et, chaque
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