Les Mystères de Jérusalem

volumes. Sous le plafond bas, une ampoule nue se balançait au bout d'un fil et dispensait dans le jour une lumière chiche. Dans un sous-verre piqueté de chiures de mouches, un paysage de Jérusalem ornait un pan de mur. Une pile d'albums surchargeait une fragile table basse. Le premier avait pour titre Mea Shearim : les Cent Portes. je regardai les photos en noir et blanc évoquant des signes tracés au burin sur un mur de caverne. ¿ quels temps appartenaient-ils donc, ces visages d'enfants tendus au-dessus d'un texte sacré, ces silhouettes en cafetans usés, accroupies dans des ateliers mal éclairés, ces adolescents longilignes qui détournaient les yeux au passage d'une femme, et ces foules joyeuses dansant autour des rouleaux de la Tora?
    …tonné de découvrir, chez un vieux bouquiniste orthodoxe, -es images d'un monde qui refuse les images, je me surpris à ;cruter à la loupe ces visages familiers de juifs. Espérais-je y .-etrouver un trait de mon grand-père Abraham? Il me sembla ,.econnaître une cour enneigée de Pologne - la neige est si rare à [érusalem! C'était la place du village de Grodzisk, près de Varsovie, o˘ ma mère m'emmenait parfois pour la fête de Pourim... La Pologne d'avant la guerre... Mea Shearim! Rêve, ou réalité?
    qu'espérais-je trouver chez ce vieux juif, né comme moi en Pologne mais depuis si longtemps qu'il semblait plus que centenaire ? Rien de précis, ou peut-être seulement la présence du passé encore vivant à travers le mystère des images. Rab HaÔm se posait aussi la question. Il me dévisagea d'un oeil aigu et demanda sans détour :
    - Pourquoi vous intéressez-vous tant à l'Antiquité ?
    - je voudrais comprendre...
    - Comprendre? qu'y a-t-il à comprendre?
    - Ceci, peut-être : pourquoi, dans cette ville cinq fois millénaire, b‚tie à l'écart des routes marchandes et qui aurait d˚, comme tant d'autres, être effacée par l'histoire, l'histoire a-t-elle choisi d'établir ses quartiers ?
    Rab Ha¸n secoua la tête.
    - Ce n'est pas l'histoire, mon ami, mais l'…ternel - béni soit Son nom!
    - Alors, pourquoi l'…ternel a-t-Il posé Son souffle ici, en cette ville, la choisissant et la désignant parmi toutes les autres? Pourquoijérusalern et non Byzance ou Athènes, Damas ou Alexandrie ?
    - question, fit le vieil homme. question... Pourquoi, hein ?
    Ses lèvres s'étirèrent et ses yeux se plissèrent. Ce devait être un sourire. Il laissa passer un silence comme s'il en go˚tait toute la saveur.
    Puis il fit quelques pas dans la pénombre de l'arrièreboutique en marmonnant :
    - J'ai peut-être quelque chose pour vous. quelque chose d'intéressant. Mais je ne me souviens pas de l'endroit o˘ je l'ai rangé. Ah, la mémoire!
    Il quitta la pièce pour revenir au bout d'un moment, la mine contrariée.
    - je ne le retrouve pas ... J'avais pourtant tout un paquet, des livres et même des manuscrits, j'en suis certain... Voilà tout ce que j'ai à vous proposer.
    Avec une grimace de déception aussitôt démentie par le sourire de ses yeux qui, depuis bien longtemps, contemplaient une vie faite de mille pertes et de quelques retrouvailles, il me tendit
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    une grande enveloppe brune et rigide. Je-_f*'et découvris une dizaine de feuilles de parchemin, très douces aux doigts. Sous le regard attentif de Rab HaÔm, j'en retirai une de l'enveloppe. Elle était couverte d'une grande écriture serrée. La calligraphie, de toute évidence très ancienne, avait depuis longtemps p‚li.
    - «a m'a bien l'air d'être du vieux français, reprit Rab HaÔm.
    Il se caressa la barbe d'un geste gourmand.
    - Une curieuse histoire...
    - Une curieuse histoire, répétai-je en écho, n'écoutant qu'à demi parce que je cherchais à reconnaître quelques mots dans cette écriture venue de si loin.
    - On a retrouvé ce manuscrit dans un sac de cuir en creusant les fondations d'une nouvelle synagogue dans la Vieille Ville... On dit qu'il y en avait une à cet emplacement même au temps des croisades... VoilàJérusalem : dès que l'on gratte le présent, Dn trouve le passé!
    Rab Ha˚n rit, dévoilant ses dents cariées, content de cette métaphore. Il reprit, désignant la feuille de parchemin que je tenais précautionneusement entre les doigts :
    - Les fidèles de la nouvelle synagogue, tous des disciples du rabbin de Satmar, prétendent que ce texte était accompagné l'un autre texte, en hébreu celui-là, écrit par un scribe juif du ,goyen ¬ge. Un homme du temps des