Les Mystères de Jérusalem
croisades, précisément...
- Peut-on le consulter?
- Ah, ça, mon ami!... qui sait o˘ il peut être? S'il n'a pas dis?aru! «a disparaît si facilement, ces vieux textes!
- Avez-vous une idée de ce qu'il contenait?
La malice illumina une nouvelle fois le vieux visage du moher refarim.
- On dit que ... Mais vous savez, ce qu'on dit! On peut arrêter e pot qui bout ... pas la rumeur qui chante dans une synagogue!
- Mais encore ?
- On dit que ce scribe racontait, avec beaucoup de détails, ,omment un jeune moine l'avait sauvé du massacre pendant la )rise &Jérusalem par les chrétiens et comment, ensuite, il l'avait ,aché et nourri des mois durant... Peut-être pas un moine, d'aileurs, seulement un clerc. Mais, enfin, il l'avait tiré des griffes des )èlerins qui exterminaient à tour de bras juifs et Arabes-ir,
Rab HaÔm leva son visage vers la p‚le lumière que diffusait, dans un incessant balancement, l'unique ampoule électrique suspendue dans son antre.
- ¿ toute époque, même aux plus inhumaines, ajouta-t-il, chuchotant comme s'il s'adressait au Très-Haut, il se trouve toujours quelqu'un, même esseulé, pour préserver le sens de l'humanité.
je contemplais avec respect les pages de parchemin qu'il venait de déposer devant moi.
- Vous possédez ce manuscrit depuis longtemps?
- Depuis des années, mon ami... Des années!
Il écarta ses bras maigres, serrés dans sa redingote élimée, et son ombre se cassa sur les rayonnages de livres.
- Si vous saviez combien de fois on a voulu me le racheter!
- Combien vaut-il?
Rab HàÔm eut un rire sec et sévère. E agita la main.
- Le passé ne s'achète pas. Il se mérite.
Je dus ébaucher une mimique de protestation, car aussitôt le vieux libraire se rembrunit. D'une main aussi légère qu'une patte de moineau, il commença à me pousser vers la sortie.
- Allez, allez... Et revenez demain. J'aurai peut-être retrouvé ma mémoire et quelques vieilles choses pour vous!
je lui fis remarquer que je devais repartir pour Paris dès le lendemain.
- Eh bien, alors, à une autre fois!
- Oui, peut-être, répondis-je. ¿ une prochaine fois...
J'en avais déjà tant rencontré, des vieuxJuifs comme lui, avec leurs histoires de toujours et leur air entendu! Comme nombre d'autres, je pensais ne jamais le revoir.
quelques semaines plus tard, à Paris, huit, dix versions du premier chapitre de mon roman s'amassaient en vain sur ma table de travail. Malgré
mes efforts, ces " Mystères de Jérusalem " ne parvenaient pas à prendre leur essor. Insatisfait, presque découragé, comme pour me changer les idées, je me décidai à lire enfin ce manuscrit que Rab HaÔm m'avait confié
et que j'avais posé sur un coin de mon bureau en attendant d'avoir le temps de le déchiffrer. Muni d'un dictionnaire de vieux français, je m'attaquai à
une t‚che qui m'apparut vite plus ardue que je ne l'irnagi-91
lais. Plus excitante aussi. Deux jours durant, èt,'p'ar la gr‚ce de nes fréquentes insomnies, toute la nuit ou presque, je transcrivis ipproximativement une étonnante confession.
" Demain sera le premier jour d'avril de l'an de gr‚ce mille et cent.
Durant l'hiver, il a tant plu sur la Ville sainte et ses environs que la colline de Sion et la vallée du Cédron sont devenues aussi vertes que les champs de Lorraine. Ceux qui reviennent de Bethléem racontent que, là-bas, alors qu'il n'y avait encore que désert et canicule le jour de tous les saints, depuis la NoÎl les brebis et les moutons paissent dans les prairies et les collines se couvrent de fleurs jusqu'à leurs sommets. Nos pèlerins, les yeux brillants de larmes, affirment que le béni Pierre l'Ermite a palpé
la vérité dans ses visions. Le Messie bientôt sera parmi nous et nos péchés seront expiés. Lajérusalein que nous avons délivrée de l'Antéchrist et de la horde paÔenne, comme il est affirmé dans les Saintes …critures, abondera de lait et de miel.
" que le Seigneur Christ me pardonne si la peur me fait craindre que les pèlerins ne se trompent et ne confondent la douceur passagère d'une saison avec le signe sacré de Son retour.
" Car ce que j'ai vu, moi, depuis neuf mois que nous sommes entrés dans la Ville sainte, c'est qu'il n'est pas de jour o˘ le ciel, au crépuscule, ne devienne un océan écarlate, comme s'il reflétait, encore et encore, l'inondation de sang et de mort qui ensevelit Jérusalem lorsque enfin nous la libér‚mes des infidèles et desjudas.
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