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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’amour vrai, le désir effréné de possession et non celui d’être possédée qui avaient poussé Blandine à cette audace ? Dans leurs ébattements, il l’eût certes trouvée naturelle, il l’eût même accueillie plaisamment. Maintenant, cette impudicité lui paraissait odieuse.
    — Mais non, dit-il. Je ne suis pas ainsi. Cesse de m’en parler.
    Ne pouvant dire : « Lâche-moi », il eut envie de se placer sur le ventre, mais il se sentit promptement enjambé ; le corps tant aimé se dressa au-dessus du sien et s’embrocha sans qu’il eût osé remuer.
    Le galop commença et, pour une fois, une expression de jubilation, de triomphe, même, parut sur le visage de Blandine : celle d’un plaisir décidé d’elle-même et follement assumé. Atteint, mais nullement enfiévré par la contagion d’une sensualité qu’il avait perçue autant, sinon plus qu’elle, dans cette maison où deux hommes se partageaient quatre femmes, il eût compris, accepté, satisfait ce véhément désir de volupté. Or, les Birot et leurs concubines n’étaient pour rien dans cette appétence. C’était Tancrède, l’image méconnue de Tancrède qui, aiguillonnant une jalousie absurde, avait fourni à Blandine cette hargne vengeresse. Elle le serrait aux épaules ; elle s’emblavait [166] , se rassasiait à grands ahans et soupirs. Jamais il n’aurait pu penser qu’elle, la pudique, voudrait, une nuit, se rassasier de la sorte. Jamais il ne s’était senti aussi peu enclin à l’amour que maintenant : vide et morose, dominé sinon vaincu.
    « Tu ne sais pas ce que tu veux. Tu devrais être content, au contraire… Ce n’est pas de la simplicité, cela. C’est… C’est quoi ?… Tu ferais mieux de la renverser, et puisqu’elle en veut, de lui en donner à grands ahans ! »
    Il sentit Blandine s’éreinter dans une félicité qui la fit tomber, haletante et moite, sur sa poitrine et fut heureux d’éprouver aussitôt un contentement fade qu’elle prît pour du plaisir. Il voulut, d’un tour d’épaule, reprendre sa liberté, mais Blandine s’accrocha, riva sa bouche à ses lèvres. Une frénésie de jouissance semblait l’avoir subjuguée ; un besoin, peut-être, de lui arracher un nouveau soupir. Comme elle se reculait un peu, il parvint à s’en déclouer et la sentit désappointée. Et lui donc !
    — Tu m’aimes ?
    — Tu le sais bien.
    — Ce n’est pas, messire, une réponse.
    Voix dolente, désenivrée. Oui, il l’aimait ; elle était la beauté, la tendresse. Il avait rêvé de l’aimer (il n’osait penser l’enfourcher) ; il avait imaginé de sublimes joutes de chair ; elle en avait rêvé aussi, avec d’autant plus d’acuité qu’elle n’en connaissait rien. C’était fait ; consommé. En elle, avec elle, il avait trouvé la joie de vivre, et voilà qu’il avait été enclin à lui en vouloir parce qu’elle s’était conduite un peu follement.
    — Je t’aime, dit-il.
    D’un mouvement, Blandine reprit sa place et remonta les draps sur son corps. « Elle se caresse le ventre… Elle soupire… En veut-elle encore ? » Il ne remuait pas. Il eut le sentiment qu’ils s’épiaient l’un et l’autre.
    — Je ne connais pas cette Tancrède, Ogier, mais je la sens au-dessus de nous comme un maléfice… Comme si elle t’aimait et voulait te reprendre.
    — Sois quiète : elle ne m’aime pas.
    — Comment peux-tu en être aussi sûr ?
    — Je connais bien ma cousine.
    —  Bien  ? Que veux-tu dire ?… Je la crains, moi, sans la connaître…
    Il réprima un grognement. Ce qu’il nommait jalousie ne devait être que de l’angoisse – une angoisse d’autant plus aiguë qu’elle était sans fondement. Blandine avait néanmoins pressenti de quels traits inaltérables se composait la nature particulièrement forte de cette ennemie. Elle la savait fière, astucieuse, déterminée. Sans doute, par son audace de cette nuit, avait-elle voulu lui prouver combien elle pouvait être, elle aussi, décidée ; combien sa décence pesait peu devant son envie de lui ; mais ce dessein si bien conduit, cet assouvissement si violemment mené n’empêchaient pas qu’il fût, lui, plus mécontent encore de lui-même qu’il avait pu l’être d’elle. Plutôt que d’hésiter ou non à répondre à ses incessantes questions, il eût voulu pouvoir lui dire de quelle tendresse il la chérissait, de quels rêves de bonheur il fourbissait sa passion d’elle et

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