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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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plénitude auquel, pendant tant d’années noires, il avait tellement aspiré.
    Il sentit Blandine s’animer. Brusquement, ses bras se levèrent comme pour conjurer quelque malfaisance et ses jambes repoussèrent violemment les draps. Un cri de fureur ou de protestation : «  Non ! Non ! » perça le silence et elle se mit à trembler. Ce n’était plus le frémissement d’une femme investie de plaisir mais une sorte de frisson répulsif qui ne semblait devoir cesser. Inquiet, il se pencha et vit des yeux exorbités, une bouche béante : Blandine reprenait haleine comme à l’issue d’une agression cruelle.
    — Qu’avais-tu ?
    Bien qu’il fît très gris, autour d’eux, il aperçut une petite perle, roulant d’un œil à la joue en même temps qu’il se sentait retranché d’une aventure que peut-être il ne connaîtrait jamais. Il s’interdit de bouger, songea : « Est-ce Lerga qui l’assaillait encore ? » Et s’inquiéta.
    — J’ai crié ?… J’ai très chaud… Je suis effrayée… Oh ! ce que j’ai chaud…
    Il se leva et poussa les contrevents. La nuit allégea aussitôt les ténèbres, et quand il s’allongea, il constata que le visage de Blandine paraissait blafard dans le désordre de cette coiffure dont il venait de comparer le flamboiement à l’acier bleu argent de Confiance. Indécis, la trouvant plus fragile encore que lors de leur arrivée chez les Birot, il se dit qu’elle avait l’air d’une captive, qui, après une fuite éperdue, fût retombée au pouvoir de ses ravisseurs.
    — Tu as crié.
    Elle s’aperçut qu’elle était nue, livrée à des regards que pourtant il éloignait de ce corps tentateur ; elle ramena les draps sur elle.
    — J’ai eu peur… Ne me regarde pas ainsi.
    Elle frémit, bien éveillée. Quelles affres avaient pu la tourmenter à ce point ?
    — Veux-tu me dire ce qui t’a mise en cet état ?
    Il ne la touchait plus ; ni de la jambe ni de la poitrine ; elle repoussa la main qu’il posait sur sa hanche, bien que le drap l’en séparât. Ses yeux, dans l’ombre, avaient des luisances nacrées. Comme elle était inerte, à présent ! Pétrifiée par ce qu’elle avait vécu…
    — À quoi as-tu pensé ? dit-il, se reprochant une curiosité à la mesure de l’irritation qui le gagnait.
    — Tu ne te courrouceras pas ?
    Il trouva surprenante cette précaution et se sentit happé par le malaise qu’il avait éprouvé dans la charrette, après que… Après quoi ?
    Il retomba sur le traversin. Bien qu’il eût, sur sa joue blanchie par un rayon de lune, le regard insistant de Blandine, bien qu’il fut ceint par son bras et sentît comme une caresse mordillante ses petits ongles pointus lui pénétrer la cuisse, quelque chose les séparait.
    — Cette cousine, y penses-tu souvent ?
    Ogier réprima un soupir. Une nuit comme celle-ci, après tant de déplaisances, rien ne justifiait cette question malencontreuse, cette persévérance – presque cet acharnement. Que répondre ? «  Dors ! » C’eût été, par brusquerie, donner à penser que Tancrède comptait dans son existence. Or, certes, elle y avait compté, mais d’une autre façon que Blandine le supposait. Ils s’étaient fait respectivement envie, un fin lambeau de nuit les avait rapprochés pour, ensuite, les désunir davantage.
    — Il m’advient de penser à Tancrède comme il m’advient de penser à tous ceux qui résistèrent aux Goddons et routiers de Robert Knolles lorsqu’il assiégea le châtelet de mon oncle… Il m’advient d’y penser comme je pense à Aude, à mon père, à Thierry… à ma défunte mère…
    — Tu peux y penser autrement.
    Il comprit où Blandine voulait en venir et eut recours à une astuce qu’il trouva désagréable. Mais que faire d’autre en l’occurrence ? Quel langage employer afin d’en finir et de dormir en paix ?
    — J’y pense comme à une parente. Je ne la reverrai jamais, sans doute. Tu ferais mieux de dormir : le chemin sera long et il nous faut partir à l’aube.
    Son sang bouillait. Il sentit la main de Blandine glisser sur sa poitrine, atteindre son ventre et l’empoigner avec une hardiesse qui le laissa sans voix.
    — Tu es roide ainsi lorsque tu penses à elle !
    Jamais Anne, jamais, surtout, Margot, Aliénor, Clotilde, Guillemette et Bertine – pourtant moult effrontées –, et Adelis, toute ribaude qu’elle eût été, n’eussent accompli pareil geste. Était-ce

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