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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Gratot, par ce jour pâle et frileux, pouvait être une déception. Tandis qu’ils le visiteraient, il assortirait ses commentaires d’une certitude qui, elle aussi, emplissait son esprit et son cœur : le château, bientôt, serait réhabilité. Déjà, comme chaque matin sans doute, les hommes s’employaient à réparer ses plaies : les uns portaient des pierres et les autres des poutres ; on entendait même les cris de Goasmat et Le Guevel occupés à curer les douves.
    Thierry apparut :
    — Le bonjour… Vas-tu bien, Ogier ?
    Se détournant, il vit Blandine clore la fenêtre.
    — Elle est bien belle.
    — Sois franc : ne crains-tu pas que céans elle languisse ?
    Une moue rapprocha les lèvres rases de Thierry :
    — C’est une fille de la ville… Y as-tu pensé ?
    — Et Aude ?… Qu’en pense-t-elle ?
    Nouvelle moue mais avec un soupçon de sourire :
    — Je n’en sais trop rien. Ce coupon de cendal que Blandine lui a donné peut avoir faussé son opinion… Elle la trouve avenante.
    Ogier s’éloigna, perplexe. Aude dissimulait-elle son sentiment ? Pouvait-il la charger de façonner Blandine ? Et pourquoi donc la façonner  ? Changeant de vie et de séjour, eût-il jugé tolérable qu’on voulût insidieusement modifier sa nature ? Blandine, céans, resterait elle-même. Lui, en revanche, n’était déjà plus pareil. Ainsi, au lieu de se réjouir de les côtoyer de nouveau, il était tenté d’éviter sa sœur et Thierry, son père et les serviteurs alors que la compagnie des soudoyers lui paraissait agréable : ils n’étaient curieux que d’eux-mêmes. Et s’il lui semblait étouffer en cette familière enceinte, c’était moins à cause de la venue de Blandine que parce qu’il s’y trouvait à l’étroit.
    Il douta tout à coup qu’un tel malaise l’eût envahi à Rechignac. Là-bas, entre deux merlons du donjon ou des courtines, il avait éprouvé, quels que fussent les jours et les saisons, un sentiment de bien-être au seul fait de contempler, à l’entour, les terres doucement mamelonnées couvertes de forêts verdoyantes où l’aurore et la vesprée creusaient des étangs bleus et des torrents obscurs. Là-bas, les souvenirs de ses enfances étaient partout ; ici ne subsistaient que ses remembrances de garçonnet et de jouvenceau très choyé, jusqu’à ce jour de juin 1340 où son père, aussi content qu’il l’était lui-même, l’avait emmené à la guerre… Sortir, aller de grand randon jusqu’à la mer et repaître ses yeux de cette immensité ? Soit. Mais guérirait-il de sa mélancolie ? N’allait-il pas l’aggraver, au contraire ? D’où tenait-il ce goût des chevauchées sinon des sangs mêlés de hardis bataillards. Deux surtout, d’alliance toute proche : les Rechignac et les Argouges. Bel et noble héritage, certes, mais assorti d’un inconvénient qu’il relevait avant même que ne le fît son épouse : la détestation de l’immobilité. À peine de retour, à l’issue d’une visite aux chevaux et juments avec lesquels il avait cheminé, il se remémorait, délectation amère, ces grands champs, ces mottes crépues, ces ruisseaux et rivières aux luisances d’argent dont il était aussi friand qu’un oiseau pouvait l’être du ciel. C’était comme un appel puissant et inutile.
    « Je ne suis rien d’autre qu’un chevalier aventureux ! »
    N’eût-il pas dû en convenir plus tôt et se déterminer à vivre en conséquence ? Pourquoi, en ce cas, vouloir fonder une famille ? Il s’était dit que l’amour allégeait tout et que le mariage lui ferait oublier ses épreuves antérieures. Erreur : rien n’était allégé par l’amour quelle qu’en parût la sublimité… À moins qu’il confondît ce sentiment naturel avec la passion, plus rare, et sa procession de désirs effrénés… Eh bien, s’il le fallait, il saurait de temps à autre dominer les siens comme il avait su dominer son destrier et d’autres chevaux rétifs !
    L’envie le reprit de seller Marchegai. Ils iraient, galopant et ambiant, au manoir de Blainville. À défaut d’avoir pu fouler cet ennemi de son vivant, il foulerait à plaisir son terroir.
    « Non, je ne le puis : elle va descendre… Je me dois d’être présent, sans quoi, elle penserait que je suis toujours iré contre elle… »
    Avait-il donc cessé de l’être ?
    « Je l’aime vraiment comme un fou ! »
    De quoi se composait sa vie ? D’amour, de guerre et

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