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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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postulations et de sa nudité offerte exacerbait ses sens. Il se fut méprisé de leur lâcher la bride.
    — Bon sang ! on s’est aimés, pourtant, murmura-t-il.
    Il ne pourrait guérir de cette mélancolie si Blandine le courrouçait et le désenchantait. Or, tout lui prouvait qu’elle devenait différente. Cette assurance… Cette aversion pour Saladin… et peut-être pour Marchegai, parce qu’ils étaient ses compagnons fidèles… Il devait ce matin, la fraîcheur l’y aidant, recouvrer son aplomb, sa sérénité, sa confiance.
    Il aperçut son père allant aux écuries.
    « Il ne m’a rien reproché hormis ma hâte… Belles paroles : il s’est marié aussi vélocement que moi !… Mère devait différer de Blandine. Elle était froide… Blandine, elle… »
    Mieux valait qu’il interrompît sa pensée ! La veille, au souper, il s’était senti observé tout autant que son épouse. Il était même advenu qu’un de ses mouvements se fut soudain trouvé comme étréci du seul fait qu’il l’avait senti accompagné d’un regard. Et qu’importait qui l’épiait avec parfois tant d’insistance !
    Il vit avec regret Saladin le quitter, la queue et le museau bas. Il allait soit rejoindre Marchegai, soit côtoyer Péronne sur quelque lit de paille ou de fourrage.
    « C’est vrai qu’il a sa femelle et que la nuit, sa place est auprès d’elle… Non  ! il s’est trop attaché à toi avant de la connaître. Il prendrait un renvoi pour une punition injuste… Il t’en voudrait et il aurait raison… Seule Blandine serait bien aise d’une brouille imméritée ! Tout chien qu’il est, il sait que tu n’es plus le même. »
    Dire qu’il en était à méditer ainsi !
    Ayant grimpé les marches du perron, il entra dans la grand-salle. Bertine était là, remuant au-dessus du feu une chaudronnée de soupe grasse.
    — Ah ! c’est déjà vous… Voulez-vous que je vous en serve ?
    Repoussant de son talon nu et corné le trépied à traire sur lequel elle s’était assise, la robuste commère lui présenta un visage aux joues rouges d’une chaleur qu’il devina tout intérieure. Ses yeux de gamande [199] , d’ordinaire brillants, se ternirent :
    — Avez-vous passé une bonne nuit avec votre dame ?
    Le «  avec votre dame  » était superflu, mais volontaire. Ogier fut certain qu’il pourrait à loisir renfourcher Bertine. Il s’en abstiendrait. Ni elle, ni Guillemette, ni aucune autre. Toutefois, il serait bienséant que Blandine… Allons, bon : il ruminait encore sa déception. Un huron, lui ! Jamais il ne l’avait considérée comme une roturière, même s’il lui avait semblé que les Berland vivaient sans grands moyens.
    Fallait-il que son ressentiment fût terrible pour imaginer, par dépit amoureux, de renouer avec des servantes qui jamais ne s’étaient dérobées, encore que ce verbe-là lui parût tout à coup bien mal approprié aux images dont son esprit s’encombrait ! Et n’était-ce pas leur faire injure, sans toutefois qu’elles s’en doutassent, de penser que loin d’être à sa dévotion, elles lui avaient été et lui étaient soumises parce que la coutume exigeait que le noble eût tous les droits sur la gent féminine de son fief ? Pour s’astreindre d’un meilleur gré à la volonté du seigneur, la plupart donnaient à leur consentement l’apparence d’un désir fervent. D’autres, le sacrifice accompli, se révélaient insatiables lorsque vraiment ou faussement conquises, elles s’apercevaient qu’elles pouvaient régner sur le despote et que la volupté le désarmait mieux qu’une épée. C’était le cas de Mathilde envers son oncle Guillaume : ni épouse, ni servante ni concubine : châtelaine. Anne en riait souvent… Anne  ! Il n’y pouvait songer sans émoi, alors que Tancrède et son souvenir épicé le laissaient aussi froid que ce matin d’octobre !
    Comment aurait-il pu prévoir qu’il s’empêtrerait dans des méditations pareilles ? Succédant à la joie et à la félicité d’un mariage abruptement célébré, il ne découvrait qu’amertume dans la conviction quelque peu amoindrie maintenant, d’un fol attachement contraire à sa nature sinon à ses espérances. Parce qu’il n’avait jamais souhaité que Blandine devînt sa « chose », jamais il ne lui serait asservi. Les brandons des jouissances éprouvées en leurs moments de communion charnelle continuaient de brûler ses entrailles, mais son

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