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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chariot avant longtemps… J’en ai bien trop mauvaise souvenance.
    Elle fronçait les sourcils comme si le soleil l’indisposait, mais ses rayons n’atteignaient que sa nuque. Que faire ? Apercevant, entre les deux arches de pierre, la campagne verdoyante, riche d’odeurs et de clartés, Ogier suggéra :
    — Et si nous allions à la mer… Tu l’as à peine vue quand nous sommes partis d’Avranches…
    — Demain.
    Il se sentit à court de suggestions. Il eût préféré un désaccord avoué, hargneux, à cette offensante mélancolie.
    — Qu’as-tu ? Si c’est du remords d’avoir quitté Poitiers, songe à l’état qui serait tien si tu y étais demeurée… À moins que tu regrettes ton Poitou, Chauvigny et la seconde dame Berland !
    Elle fit un geste d’une main. Protestation ou acquiescement ? Comment eût-il pu le savoir : sa bouche restait close.
    — S’il doit en être ainsi de notre vie, tu aurais dû me décourager… Qui te déplaît céans ? Mon père et mes parents ? Nos gens ? Ces murs qu’ils ont eu tant de peine à défendre et qu’ils s’efforcent de remonter ?
    Il s’était exprimé sans élever le ton, de sorte que ceux qui les épiaient – il sentait maintenant qu’il y en avait sans chercher à savoir où – pouvaient penser qu’il venait de lui murmurer des mots tendres. En fait, il eût aimé les prononcer, encore qu’il se sentît assez peu fait pour ces propos de guimauve auxquels les trouvères réussissaient si bien. Il avait trop embelli Blandine et trop pensé à la choyer. Elle profitait d’une faiblesse dont il s’était enchanté, mais qu’il désavouait désormais. S’il l’avait fréquentée ne fut-ce que trois mois dans des conditions voisines de celles de maintenant – l’amour charnel en moins –, il se serait peut-être éloigné le cœur gros, mais soulagé, de cette beauté trop parfaite.
    — Je veux ta joie… ton bien… ta satisfaction en tout…
    Saladin traversa la cour pour aller sautiller autour de Thierry.
    — Est-ce à cause de lui ?
    — Il me semble que tu l’aimes un peu trop… Tu me l’as prouvé, non ?
    — J’aime certains êtres, certaines choses… J’aime mon père, ma sœur… ce châtelet qui me paraît te décevoir… J’aime mon cheval, mon épée, mon armure… J’aime l’ombre quand le soleil est furieux et le soleil quand il gèle à pierre fendre… Un cœur d’homme peut être très aimant tout en gardant, inviolable, une place de choix à la femme qu’il a choisie.
    Comme Blandine demeurait silencieuse, il se dit que contrairement à ce qu’il avait cru, il ne connaissait rien à l’âme féminine. Que se serait-il passé si elle avait eu un chien, et lui non, et quelle eût exigé qu’il dormît dans leur chambre ? Se serait-il accommodé de sa présence ?… Allons, aussi grand que pût être son appétit de bonheur avec elle, il devait attendre qu’elle s’accoutumât tout d’abord à lui et ensuite à Gratot : femmes, hommes, choses, odeurs… Il l’avait tellement sanctifiée qu’il avait cru qu’ils marcheraient sur une jonchée de roses ! Eh bien, pour le moment, il se piquait à leurs épines, et face à son courroux, la paisible beauté de Blandine rendait plus évidentes que jamais son erreur et sa rusticité.
    Se détournant d’elle et prenant le ciel à témoin de son amertume, il vit avec plaisir, sur la tour d’Yvon, la bannière des Argouges. Azur sur le bleu tendre des nuées où les lions brillaient comme des éclairs d’or.
    « Père m’a dit que ses anciens compagnons s’arrêtaient pour le saluer lorsqu’ils se rendaient à Coutances… Et il les reçoit ! Il leur a pardonné leur indifférence, leur mépris, peut-être leur haine ! Il est bien moins ferme que moi ! »
    Il réprima un grognement. C’était cela, son défaut essentiel : la rigueur. Il n’oubliait, quant à lui, ni l’injustice ni les outrages.
    Il prit Blandine par la taille. Il s’attendait à ce qu’elle cherchât à se dégager, mais devant les serviteurs, les soudoyers et les meschines, la tête chère se posa sur son épaule, et le corps si flexible se souda au sien.
    — Je t’aime, Ogier… Il faut me laisser le temps…
    — Je t’aime… Nous t’aimons tous… Regarde leurs sourires… Où veux-tu aller, ce matin ?
    — Où tu voudras… Dans les chemins hors du château.
    — Alors, viens.
    À quoi bon méditer sur ce retournement ! Peut-être

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