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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’amitié. En parts égales ? Il n’osa se répondre. Il avait toujours rêvé d’un grand amour. À peine obtenu, et par son intransigeance, il lui avait porté le premier coup. L’amitié lui semblait indispensable, qu’elle eût ses attaches parmi les nobles ou les hurons, et jusqu’aux chevaux et aux chiens avec lesquels il se sentait de bonne accointance… La guerre ? On l’avait rudement éduqué pour la faire et il l’avait faite au mieux… La satisfaction qu’il éprouvait à se sentir délivré maintenant de la moindre contrainte, ne lui prouvait-elle pas qu’il était un solitaire ? Ses deux grands buts ayant été atteints – la mort de Blainville et la conquête de Blandine – que ferait-il désormais ?
    « Pourquoi t’es-tu marié si tu pressens que tu la rendras mal heureuse ? »
    Il s’empiffrait de mots et de pensées déraisonnables. En fait, il était apeuré au sujet de Blandine. Quelle se plût à Gratot et qu’elle y plût à tous : il s’en réjouirait et perdrait peu à peu cette humeur exécrable. Dans l’évidence du contraire, eh bien…
    « Eh bien, quoi ? » se demanda-t-il en marchant jusqu’aux entrées.
    Il franchit la porte charretière. Immobile au milieu du pont baissé, sans se soucier de Le Guevel et Goasmat occupés au curage de la berge, là où un tremble dissimulait en partie l’église, il regarda les grands ormes et les hêtres dont le vent essaimait les dernières parures. À la fin d’un vol tressaillant, la plupart des feuilles tombaient dans la douve qu’elles marquetaient de loin en loin. Quelques bulles échappées des profondeurs vaseuses ou le secret serpentement d’une anguille animaient parfois ces écailles d’or brun.
    — Il est vrai que ces douves empunaisent… Il faudra que nous nous y mettions tous…
    Avançant sur la jetée, il cracha dans l’eau, moins écœuré par son odeur que par la souvenance du matin où il était allé chercher là-dedans le corps de Gerbold mutilé et crucifié. Il n’en fallut pas davantage pour que le désespoir d’avoir perdu le Saint-Bois le reprit, plus écrasant que lorsqu’il l’avait dû céder aux Teutoniques. En fait, il s’était montré trop ambitieux. Il aurait dû reprendre sa parole et laisser Sirvin périr avec son prodigieux secret.
    Il revint sur ses pas. Marcaillou, un madrier sur l’épaule, lui fit un signe.
    — Comment va messire ?
    Un sourire : tout allait bien. Mensonge. Il n’était que remords et incertitude. Il fallait y remédier. Pour Blandine. Lorsqu’ils auraient fait le tour du château, il l’emmènerait à Coutances. C’était marmouserie de s’abrocher le cœur.
    Elle apparut. Elle avait passé la même robe que la veille, et ce vert tendre lui seyait bien. Elle dansait presque dans ses escafignons [200] . Elle était splendide, épanouie, et donnait de la joie aux vieux murs de granit. Ogier se sentit comme usé, « dépassé » avec ses idées grises. Son cœur, soudain, s’enflamma : cette beauté, cette divine majesté était sa femme !
    — Pourquoi souris-tu donc, mon époux ?
    Elle avait mis sa petite main dans la sienne. Signe de confiance ou désir d’y enfoncer ses ongles aussi pointus que des becs de passereaux ?
    — Je me disais que ta mère devait être bien belle… Elle avait, avant d’épouser ton père, deux noms que j’aime bien : Tiphaine [201] et Ogier !
    Il riait, se rassurait. Il entraîna Blandine aux écuries afin qu’elle vît Hautemise, mais elle refusa d’en dépasser le seuil :
    — Je ne tiens pas à me crotter les pieds.
    — Je te ferai faire des sabots légers.
    — Des sabots !
    Elle riait à son tour, d’un rire différent du sien. D’un rire qui partait d’ailleurs que de son cœur. Tout l’édifice d’admiration qu’il venait d’ériger à nouveau pour elle chancela, se fissura. Devenait-il trop exigeant ? Certes, elle avait des jambes aux chevilles exquises, des jarrets purs…
    — Je n’ai jamais mis des sabots et n’en mettrai point.
    L’écurie où il avait fait placer Hautemise était petite, et c’était celle que les gars nettoyaient en premier. Parce qu’il y avait Marchegai. Il aurait aimé lui montrer Facebelle – sans pour autant lui parler d’Adelis – et Artus – et là, il l’eût entretenue de Kergoet. Il s’aperçut qu’il n’avait plus sa main dans sa senestre. L’avait-il lâchée ? Était-ce elle qui s’était déprise ?
    — Viens,

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