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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dit-il sans la regarder.
    Elle saisit son bras. Pour sauver les apparences devant les soudoyers et les serviteurs ? D’une main crochetée contre sa cuisse, elle soulevait sa robe. Les pavés de la cour avaient été lavés à grande eau et l’herbe, au milieu, râtelée. Elle dit, montrant les tombes :
    — Qu’est-ce que ces deux tas de terre ?… Et pourquoi ces croix de bois ?
    Il lui raconta la fin de sa mère, moins horrible mais tout aussi cruelle que celle de Gerbold. Animé contre elle en raison des sabots, il forgeait des phrases nettes d’où il pouvait sembler que la pitié était absente. Blandine se recueillit puis, se penchant, trouva les fleurs « bien laides ». Flétries par le gel nocturne, elles l’étaient.
    — Pourquoi garde-t-on ces corps en ce lieu alors que le cimetière est de l’autre côté de l’eau ?
    — Quand ils ont trépassé, il n’était pas bon de franchir la jetée : les démons de Blainville épiaient nos entrées, une sagette ou un carreau encoché…
    — Ce temps est achevé… Cela doit être désagréable de déterrer des cercueils, mais ne trouves-tu pas qu’il faudrait…
    Que se passait-il là-dessous ? À quels terrifiants appétits avaient été livrés ces corps ? Ogier comprenait que Blandine fut troublée : ces sépultures pouvaient être transférées au cimetière.
    — Tu as raison. J’en parlerai à mon père… Mais pas maintenant.
    — Tu le crains ?
    — Je le respecte.
    Il la mena dans les tours, lui fit voir les communs et, au-dessus du pont, le logis des soudoyers. La sentant maussade, il renonça à lui montrer le reste. Il avait remarqué que les commères s’éloignaient promptement d’eux… ou d’elle. Tandis que Saladin passait, indifférent, il fut près d’observer : « Tu vois, il ne t’a pas gênée », mais s’abstint de crainte d’envenimer leur désaccord. Sur les herbes désormais ensoleillées, leurs ombres n’en formaient qu’une seule comme au lit leurs deux corps pouvaient n’en former qu’un. Prenant Blandine par l’épaule et craignant qu’elle en eût assez de l’enceinte, il demanda :
    — Que veux-tu faire ?
    — Je ne sais.
    — Veux-tu que je selle Hautemise ?
    — Non… Je suis lasse encore…
    — Veux-tu que nous marchions au-delà de ces murs ?… Nous pourrions aller…
    — Non.
    — As-tu faim ? As-tu soif ?
    — Non… Tu es bon, mais je n’ai besoin de rien.
    Ces mols refus d’une hypocrite fermeté frappèrent Ogier de paralysie devant l’escalier du perron. Le sentiment de culpabilité qui n’avait cessé de couver, de brasiller entre ses tempes – il y porta ses mains et les enleva, moites –, flamba et devint cendre. Ne savait-il donc pas comment s’y prendre – en quoi que ce fut – avec elle ? Il la baisa sur la joue, se demandant ce qui l’y poussait. L’indulgence ? La charité ? L’affection ? Le désespoir de s’être amouré trop hâtivement d’elle et le besoin de se prouver ainsi le contraire ?
    Touchant du doigt l’endroit où il avait posé ses lèvres, il le trouva froid, dur, et sentit, dessous, le muscle de la mâchoire : Blandine serrait les dents et ce ne pouvait être que pour deux raisons toutes deux violemment retenues : le mécontentement ou la tristesse.
    — As-tu quelque souci ? Quelqu’un s’est-il montré outrageux envers toi ?
    Silence… Non ! Un petit bruit de déglutition ; puis rien. Et derechef, au plus profond de lui, l’inquiétude comme un large et profond coup de lame. Il était impossible qu’elle fut aussi changeante ! Elle n’allait tout de même pas ressembler à Isabelle, dont on disait qu’elle devenait détestable chaque fois que son ventre saignait !
    — J’ai grande cuidançon [202] , m’amie… Que puis-je te proposer ?… Tu ne vas pas passer tes jours à ne rien faire !
    Il n’avait aucune intention de laisser le mal sans remèdes. Il fallait en administrer immédiatement un à Blandine… Seulement lequel appliquer dans un cas tel que le sien, où toute intervention trop rude pouvait avoir des conséquences fâcheuses pour lui ?
    —  Veux-tu qu’Aude vienne te voir ?
    — Que fait-elle de ses journées ?
    — Je suppose qu’elle coud, brode… fait une tapisserie… Je pense qu’elle va partir pour le châtelet de Blainville avec Thierry… Je peux atteler le chariot… Si tu es trop lasse pour chevaucher…
    — Le chariot, Ogier… Je ne monterai pas en

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