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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Guillemette berçait son enfançon, un petit gars maigre et jaune, criard. Bientôt sans doute elle chantonnerait. Bertine élèverait la voix exprès pour la contrarier ; Madeleine en serait offensée. Asselin qui peut-être avait fait cet enfant souffreteux commencerait à grogner. Raymond se retiendrait d’invectiver contre lui et se mettrait à marcher, les mains jointes sur la boucle de sa ceinture. Il s’ennuyait aussi même si, visiblement, Guillemette ne lui refusait rien. La guerre lui manquait moins, sans doute, que les grandes chevauchées…
    « J’en ferai mon écuyer. Il le mérite. Avec lui, je peux au moins parler de Rechignac et de tous ceux que nous y avons connus ! »
    — Aviez-vous ce temps-là, l’hiver, en Poitou ? demanda Godefroy d’Argouges à sa bru.
    — Non, Père… Un soupçon de neige en janvier… Quelques journées…
    — Ah !
    Silence. Épais comme le blanc suaire dans la cour et glacé comme lui.
    Ogier se demanda si tous, autour de lui, avaient perçu cet afflux subit, devant l’âtre, de la gelée du dehors. Il s’approcha de son épouse et posa une fesse sur l’accoudoir de la cathèdre où sa mère, puis Aude s’étaient assises. D’un geste empressé, Blandine mit sa main sur sa cuisse. Ce mouvement pouvait paraître aux autres impudique ; même à son père. Il s’en moquait. Froids, immobiles, cette paume et ces petits doigts le brûlaient. Il n’avait pourtant pas eu à secourir Blandine. Il ne lui avait même pas semblé qu’elle se trouvait en difficulté ; il avait fallu qu’il fût présent près d’elle, qu’il la rassurât peut-être sur cette froidure différente de celles qu’elle avait connues si toutefois elle ne mentait pas sur la clémence des hivers poitevins.
    — J’espère, mon fils, qu’Aude et Thierry ont aussi chaud que nous.
    — Thierry, Père, a fait rentrer du bois en suffisance. Il me l’a dit.
    — Aude…
    — Elle est endurante et accoutumée à nos hivers.
    Ogier sentit la main de Blandine quitter sa cuisse et se demanda si son épouse lui manifestait ainsi sa réprobation pour ce qu’il venait d’affirmer.
    — Oh ! oui, Aude est endurante et Thierry doit s’en merveiller, mon fils !
    Ogier s’abstint d’acquiescer, bien qu’il pensât de même. Son père semblait vouloir éperonner sa quiétude pour le pousser à un éclat dont les effets retomberaient sur Blandine. Et si la main de celle-ci revenait sur sa cuisse et s’y crispait un peu, n’était-ce pas par crainte d’un danger ? « Ton père ne m’aime pas », lui avait-elle dit un jour. Quand, déjà ?
    Allons, bon ! Qu’avait-il à s’attrister encore…
     
    *
     
    Le soir même, le moine brasillant tiré d’entre les draps, Blandine serra sa nudité contre celle de son époux toujours perplexe tandis que Saladin, dans la tremblante clarté de la cheminée, s’étendait de tout son long avec un soupir d’aise.
    « Si nous vivions ailleurs, elle et moi, avec nos serviteurs et mes soudoyers, rien ne viendrait ternir notre entente. »
    C’était penser sainement, mais c’était une existence impossible : ce châtelet serait son héritage. Quand le roi remettrait le manoir de Blainville à l’un de ses parents ou de ses favoris, les Champartel réintégreraient Gratot où lui, Ogier, exercerait ses prérogatives. Si Thierry s’accommoderait aisément d’une « suzeraineté » légalement acquise, Aude, à juste raison, pourrait s’en offenser : elle avait tant souffert en ces murs qu’elle les aimait sans doute plus que lui. L’entente familiale se gâterait dès que Blandine prétendrait faire valoir des droits licites et sans grande portée, mais qu’Aude trouverait toujours immérités. En dépit des baisers, sourires, apparences, les deux belles-sœurs en viendraient à se détester. Et si les serviteurs s’en mêlaient…
    — À quoi penses-tu ? Je te vois à peine mais je sais que tes yeux sont ouverts.
    — Je pense à nous.
    Elle avait inséré sa cuisse entre les siennes. Il était bien ; elle était bien. Parfois un léger frisson la remuait ; elle avait les pieds froids malgré la tiédeur laissée par le moine dont Saladin profitait autant que du feu dispensé par l’âtre.
    — Sais-tu que j’ai failli renvoyer Galéas ?
    — Quand je suis descendue pour souper, Sapienza et Tinchebraye en parlaient. Ils disaient que tu avais bien fait de pardonner… Non, ne me touche pas… Je suis bien

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