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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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jamais cette fin d’août…
    — Ni moi !
    — Septembre, octobre, novembre… Nous voilà en décembre, messire.
    Le Génois avait mordu dans l’énumération comme dans un fruit amer tandis que ses prunelles s’allumaient dans leurs orbites profondes sans qu’un seul cillement vînt en troubler l’éclat.
    — J’ai compris… À quoi bon ces détours… Tu veux, vous voulez tous votre soudée [219] .
    Ogier dévisageait ce gars sévère, brun et sec comme un Mahomet et dont le regard un moment immobile exprimait moins de courroux que de sollicitude.
    — Douterais-tu que je ne puisse m’acquitter sur-le-champ ?
    Crescentini s’ébaudit aussitôt tout en accompagnant son rire d’un secouement des mains comme s’il les égouttait avant de passer à table.
    — Tous mes compains, messire, sont moult heureux céans, quoique la guerre en vérité leur manque. Vous nous avez parlé d’aller escarmoucher l’Anglais en Bretagne afin d’emplir votre escarcelle et les nôtres… Y avez-vous renoncé ?… Est-ce à pause de votre épouse ?
    Ogier sortit de sa détresse. À défaut d’être payé, le Génois se payait sa tête :
    — Sais-tu qu’avant de quitter ma femme, il y a peu, je me disais que deux arbalètes, c’était trop pour ma lance [220] . Armes lourdes et lentes : elles jettent un carreau quand un arc tire dix ou douze sagettes… qui la plupart piquent le bersail… Adonques armes inutiles… Adonques bouches inutiles que ceux qui les manient…
    Le Génois ne riait plus. Ni Sapienza, tout près, gêné par cet affrontement qu’il réprouvait. Mais où se plaçait-il ? À côté du seigneur ou de son compère ? « Dire que je vais manquer d’écus et qu’elle veut ce pelisson fourré ! » Il n’avait jamais connu le moindre ennui pécuniaire. Au service de son oncle et lors des joutes en Périgord, il s’était empli l’escarcelle ; il avait laissé l’essentiel de ses gains à Gratot avant de cheminer vers Chauvigny et jamais il n’eût osé en demander restitution à son père. Ensuite, la générosité du roi lui avait permis de constituer sa petite lance. Il ne subsistait rien – ou presque – de ce qu’en riant parfois il avait appelé sa fortune. Crescentini se trouvait dans son droit, et sans son allusion à Blandine, il eût accueilli sa demande avec sérénité alors que de dépit, il avait envie d’attraper cet homme par son colletin et de le pousser ainsi jusqu’au pont-levis. Mais céder à l’attrait de la turbulence eût mécontenté les autres soudoyers. Afin de les dominer, il devait se dominer lui-même. Il considéra Sapienza, incertain de l’issue de cette altercation, puis il vit arriver avec plaisir Joubert.
    — Ho, toi… Ma bourse est dans le bahut, près de la cheminée. Va en demander la clé à mon père et apporte-la-moi.
    Le pennoncier partit, pataugeant dans la neige, suivi de Saladin et de Péronne qui venaient de quitter l’étable. Ogier fit face à Crescentini :
    — Je vais te solder.
    Le Génois eut un geste d’apaisement :
    — Il n’y a pas de hâte, messire, je…
    — Oh ! si, il y a hâte… Tu as douté de moi. Selle ton cheval, prépare tes armes et ton harnois et quitte Gratot avant midi.
    — Mais, messire…
    La stupéfaction du Génois et des compères qui l’entouraient contenta Ogier sans pourtant le tirer de sa maussaderie. Enfin, il rivait son clou à quelqu’un ! Dommage qu’il se fut montré moins intraitable envers Blandine.
    Il regardait Crescentini au fond des yeux, si violemment que l’arbalétrier dut baisser les paupières.
    — Tu me diras que c’est un sale temps ; je te répondrai qu’avec ta solde, tu peux passer une semaine ou deux à l’hôtel, en attendant des jours meilleurs. Celui dont j’ai pitié, vois-tu, c’est ton cheval. Mais Coutances n’est qu’à une lieue : il subira les atteintes du froid sans dommage.
    Crescentini glissait vers Sapienza un regard suppliant lorsque des pas précipités firent crisser la neige. Une paume se tendit, soutenant la bourse. Ogier, la soupesant, eut honte de sa légèreté ; Joubert aussi, apparemment.
    — Nous étions tombés d’accord, en considération des paiements adoptés dans l’ost [221]  : trente sous tournois par jour pour les chevaliers bannerets, quinze pour ceux de mon espèce et deux pour vous en rétribution des ouvrages de maçonnerie et de charpenterie qui vous feraient atteindre ce printemps où nous

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