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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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irons guerroyer, le butin étant partagé avec équité entre nous, moi-même recevant la même jointée [222] que chacun…
    — Messire, dit le pennoncier, nous n’avons à nous plaindre de rien. La chère est bonne et plantureuse, nous avons de bons lits et un logis chauffé. Vous nous avez soldés d’avance, contrairement à la coutume. Par le temps qu’il fait et pour ce qui me concerne, je remets au printemps votre prochain paiement. Pas vrai, compères ?
    Tous opinèrent, même Sapienza. Seul Raymond demeura immobile, comme gêné d’assister à un tel différend.
    — Je veux rester, dit Crescentini.
    Le froid l’apeurait davantage qu’une compagnie de routiers affamés, rencontrés sur quelque chemin perdu. Où serait-il allé ? À Paris, retrouver d’autres Génois au service du roi ? Il savait, depuis Crécy, en quelle estime Philippe VI tenait ses mercenaires.
    Tout en finissant de compter les pièces, si nerveusement qu’une d’elles tomba sans qu’aucun homme osât la ramasser, Ogier, d’un coup d’œil, chercha au moins une approbation. En vain. « Voilà que je les mécontente ! » enragea-t-il.
    — Oh ! non, Crescentini, tu ne demeures pas : tu pars, voici tes sous… Vingt de plus qu’il ne faut, pour la cévade de ton cheval !
    Le Génois comprit que toute obstination eût été vaine. Sapienza fit un pas et, posant sa main sur son épaule :
    — Résigne-toi… Moi, je reste. Peu me chaut d’être payé pour le moment : je mange bien et j’ai partout mes aises. Je cheville le bois, je le façonne à l’herminette : mes jours sont meilleurs que lorsque je suivais Grimaldi ployant sous le carquois, le cranequin, le grand pavois et l’arbalète… Je ne peux rien pour toi, sauf seller ton cheval pendant que tu te prépares…
    Serrant les cordons de sa bourse, Ogier traversa la cour. Il n’atteignit pas le perron : Raymond le retenait par un bras et lui donnait le sou mouillé de neige :
    — Faut surtout pas vous tourmenter. Franchement, Galéas, c’est loin d’être une mauvaise graine… Il parlait sans y trouver malice… Voilà un mois qu’il pense à cette solde… Il a joué aux osselets et aux dés… sans se méfier, pour ces derniers, des piperies… Et puis, pour essayer de regagner ses pertes, il a voulu s’essayer au jeu de naïbi [223] . Il n’a fait que subir la male chance… Il devait rembourser… Il a de l’honneur, même si ça ne paraît pas…
    — Qui a sorti ce jeu ?… J’en avais interdit la pratique.
    Raymond eut un geste offensé :
    — Je vous sers de mon mieux depuis longtemps déjà, mais ne dénoncerai personne !
    — Cela te déplaît que je renvoie le Génois ?
    — Il doit être tout marri de ce qu’il lui advient !
    — Je le suis aussi d’avoir dû sévir… Et je t’ai demandé ton avis !
    Ils parvenaient devant le perron : Crescentini passait ployant sous le double fardeau de son arbalète et d’un bissac. Du menton, Ogier le montra au sergent :
    — Crois-tu qu’il n’aurait pas dû s’y prendre autrement ?
    — Oh ! si… Moi, à sa place, je serais venu vous voir seul à seul… J’aurais tout dit… sans pour autant désigner le vainqueur, un finaud qu’on ne peut pincer.
    — Est-ce un soudoyer ?
    — Non, messire.
    — Un serviteur !
    — Cela va de soi.
    Abandonnant sa bourse dans la dextre de Raymond, Ogier courut jusqu’au Génois :
    — Va reposer tout ça… Je te garde.
    La mansuétude dont il faisait preuve lui réchauffait le cœur et l’âme. Le mercenaire le regardait, ébaubi, n’osant croire à ce retournement, mais il avait laissé tomber son arbalète et dans ses yeux comme éblouis par la neige, une étincelle dansait.
    « En m’y prenant ainsi je peux perdre mon autorité, mais qu’importe ! J’aurais dû mieux les surveiller ; j’aurais dû me mêler à eux après souper… Je ne l’ai pas fait, trop empressé à rejoindre ma femme… Je trouverai ce profiteur et le mettrai hors d’état de nuire ! »
    — Raymond ne m’a pas tout révélé, Galéas, mais j’en sais assez pour faire preuve d’indulgence à ton égard… Ou d’équité… Appelle ça comme tu voudras ! Garde ta solde et paie tes dettes, mais surtout ne joue plus !
    — Oh ! messire, je vous rends grâces… Vous êtes l’homme le plus…
    — Baisse l’encensoir. Entre gens comme nous, il n’en est nul besoin !
    Cela lui faisait du bien de se montrer généreux envers

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