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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en ce domaine aux abois, il ne pouvait songer qu’à se trouver une aide auprès de sa bienfaitrice habituelle ! Oui, bienfaitrice  ! Encore un mot qui semblait incongru s’agissant de Bertine. Et pourtant… Il aurait dû être ravi de pouvoir de temps en temps exterminer ses ardeurs avec elle… Fallait-il que, contrairement à ce qu’il avait cru, il fut si peu assujetti à Blandine pour ne se défendre que mollement contre le pernicieux attrait de cette succube !
    Il céda. Plaisir fade et remords amer, mais soulagement de se sentir plus léger, plus lucide voire plus enjoué lorsqu’il s’exerçait à la guerre avec Thierry, Raymond et les soudoyers. Audace également d’emprunter à son beau-frère de quoi « faire patienter » ses hommes d’armes. Champartel refusa ses remerciements :
    — Je te dois tout et suis ton parent. Il est juste que je t’aide.
    — Toujours décidé pour la Bretagne ? Ce coup-ci, pour moult raisons, je ne puis plus attendre…
    On était le mercredi 4 d’un mois de juillet qui s’annonçait aussi chaud que juin, entrecoupé de pluies et d’orages. Ils s’étaient affrontés à l’épée de tournoi dans la cour du manoir de Blainville, devant Aude, grosse et inquiète qu’ils se donnassent quelque coup sanglant. Mais non, ils souriaient. Cependant, le sourire de Thierry baissa et devint une sorte de grimace.
    — Décidé, oui, mais j’aurais préféré partir plus tôt…
    — Tu sais que Père s’est plaint d’avoir mal au cœur et qu’il a gardé la chambre… Le délaisser alors eût été lâcheté… Mais nous allons partir : les gars ne tiennent plus en place… Viens-tu ?… On dirait que ça te contrarie… Tes coffres sont-ils tellement pleins ?… As-tu trouvé le secret du grand-œuvre ?
    Ogier riait sans envie. Toute proche du puits d’où elle venait d’extraire une seille, Aude les observait de ses yeux sombres fermement sertis sous les arcs brillants des sourcils.
    — J’ai trouvé mieux : le secret du bonheur… Aude me rendra bientôt père. Je voudrais être présent… C’est d’ailleurs pareil pour toi.
    Ce n’était pas une question, bien que cela lui ressemblât fort. Ogier acquiesça et tapa du pied dans une pierre :
    — Évidemment.
    Mais Thierry ne s’y trompa pas : le ton était bref, serein. La main de l’ancien forgeron, rude, épaisse, pesa sur l’épaule de son beau-frère :
    — Père est-il toujours plein d’attayne [265] envers Blandine ?
    — Je n’en sais rien… Il se domine en se disant qu’elle aussi va lui donner un hoir… Tout ce dissentiment pour deux tombes encombrantes.
    — Aude a voulu le convaincre, elle aussi, d’exhumer les corps et de les ensépulturer ailleurs… Elle a échoué.
    — Je sais… Mais s’il ne lui en tient aucun grief, il n’en va pas de même pour Blandine… qui se revanche sur moi de cette dissension. Du moins je le crois !
    Le soleil étalait à leurs pieds deux courtes ombres qui se mêlaient, et autour d’eux tournaient les deux fils de Péronne et de Saladin qu’Aude avait demandés et qu’elle dressait à garder les moutons.
    — Tu tiens, pas vrai, à t’éloigner de Blandine ?… Il te semble que tu y verras plus clair en toi, mais je crois bien que tu te fourvoies… Tu l’aimes, elle t’aimait… Je ne vous comprends pas.
    — Pour cela, il faudrait que tu vives avec elle !
    « … que tu couches avec elle », acheva Ogier pour lui seul.
    À pas menus, Aude les rejoignit. Thierry la baisa sur la tempe et lui offrit sa main. Après les avoir vus si souvent enlacés, c’était la première fois qu’Ogier les trouvait si pleins de retenue. L’amour fort devenait une harmonie feutrée, plus chaude aux cœurs qu’aux sens, peut-être. Il eut le sentiment d’avoir entrevu là une accointance belle et riche d’émois, de commune confiance en tout, plus tendre encore que ce que pouvaient imaginer les trouvères, et révélée involontairement.
    Soudain séparée de son époux, comme si elle regrettait d’avoir trahi leur secret, Aude dit presque sèchement :
    — Mon frère, Thierry m’a parlé de la Bretagne.
    Ogier sentit son bras happé par une main solide.
    — Je me refuse à ce qu’il t’y convoye [266] … Nullement parce que je tiens à lui comme une avaricieuse à son trésor, mais parce que les Anglais peuvent revenir…
    — Je ne vois pas pourquoi ils reviendraient en Cotentin !
    — Pour se saisir

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