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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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revif. Ogier soupira de déception et d’aise car Thierry et Aude trottaient à leur rencontre.
    — Tu sais ?
    — Le message était court mais clair, Ogier !… On vous emmène ?
    — Oh ! non, Thierry. Dans mon état…
    — Le même que le mien, ma sœur… Montez, Blandine. Nous serons deux femmes grosses sur une haquenée qui gésira, elle aussi, dans trois semaines !… Allons, aide-la, mon frère, à se jucher derrière moi !
    Contrairement à ce qu’Ogier prévoyait, Blandine accepta la proposition d’Aude pour ne pas déchoir aux yeux de tous. Elle eut un petit rire aigu :
    — Après tout, si j’accouche maintenant, tu verras au moins, mon époux, ton fils ou ta fille !
    Aude rit, sans envie. Thierry, dont Artus portait Ogier en croupe, eut un geste las, lourd de déception :
    — Quand le roi décide, le vassal n’a plus qu’à obéir et se taire…
    Cheval et jument avançaient de front. Ogier put voir ainsi une larme rouler sur la joue de sa sœur et tomber sur la main de Blandine qui la serrait sous les seins, pour ne pas comprimer un ventre aussi rond que le sien.
    — Dites-leur, ma sœur, dites-leur que c’est…
    Blandine s’interrompit ; Aude renifla :
    — Que c’est quoi ?
    Ogier regardait le ciel, les arbres ; le clocher de l’église et les tours de Gratot. Quitter cela. Une fois encore ! Lui aussi aurait dû enrager.
    — Ah ! je ne sais que vous dire, Aude !… Le roi a suffisamment d’hommes auprès de lui !… Pourquoi a-t-il pensé aux deux nôtres ? A-t-il mandé le sire de Marigny, qui ne se montre jamais et auquel les Argouges, pourtant, ont fait aveu ?
    — Nos hommes sont vaillants, ma sœur, et le roi le sait bien… Vaillants, hélas !… Voilà où mènent les qualités ; la satisfaction de notre suzerain nous conduit à le haïr parce qu’il nous prend nos époux pour les jeter dans une guerre infecte !… Une guerre dont il perd toutes les batailles… Et c’est ce qui m’effraie…
    Ils s’engagèrent sur la jetée, les femmes devant, les hommes derrière. Quand ils eurent tous mis pied à terre, Ogier laissa Thierry et Aude entrer dans le tinel.
    — Viens, Blandine… Allons jusqu’à cette orière [278] …
    — Comme tu es serein !
    Ce n’était pas un reproche. Devait-il lui révéler que sa sérénité n’était qu’apparente ? En parlant de batailles perdues, Aude l’avait quelque peu apeuré. Avec un roi tel que Philippe VI à l’avant des armées, tous les échecs étaient possibles. Échecs sanglants. « J’ai failli mourir cent fois sur la motte de Crécy… Reviendrai-je à Gratot dans quelques semaines ? » Blandine se serrait contre lui. En cette journée de soleil et d’angoisse, elle l’aimait sincèrement. Ce soir, sans doute, ce sentiment deviendrait plus fort, plus absolu, alors que son amour à lui, à force de se heurter à des sévérités qu’il ne pouvait oublier, ne guérirait jamais des lésions, ulcérations et saignements qu’il lui dissimulait si bien, mais avec tant de peine.
    — Reste… Ne va pas servir ce roi que ta sœur, Thierry et tes soudoyers ont en horreur… Tu m’as dis parfois combien tu méjugeais de ses qualités… qu’il portait malheur… Je le hais !… S’il avait vraiment voulu délivrer Calais, eh bien, il l’aurait fait après ce Crécy dont vous nous rebattez les oreilles, toi et tes hommes !
    Ogier ne pouvait blâmer ce courroux d’une femme grosse depuis plus de huit mois. Elle avait l’audace du bon droit, la fureur de la désespérance. Et c’était vrai qu’il s’était parfois complu, autant que ses soudoyers, à revivre en pensée l’assaut de la sanglante butte du Val-aux-Clercs où les lis de France, le roi et l’ost tout entier, quatre fois supérieur en nombre aux Goddons, avaient été sanglantement humiliés. Il prit Blandine par l’épaule. C’était un geste vif et sincère, non pas une hypocrite preuve de tendresse, un moyen de dissimuler les premières fissures d’un détachement d’une nouvelle espèce. Il s’était souventefois départi d’elle par la pensée, par le corps même avec Bertine ; il allait s’en séparer de par le roi ! Aude, qui passait, fière en apparence, parut se merveiller pour cette tendresse imprévue.
    — Courage, Blandine, cria-t-elle.
    Où allait-elle ? Aux écuries ? Pourquoi ? Après tout, peu importait.
    — Tu as raison, Blandine, pour tout ce que tu viens de me dire. Il est vrai

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