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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sourit :
    — Après cette évasion, les Flamands sont sortis de leur pays pour détruire et brûler tout autour de Saint-Omer, mais ils furent battus par Morel de Fiennes et Guy de Nesles… Et maintenant, ils s’entre-tuent [274]
    — Ils s’entre-tuent ?
    — Hé oui, messire Argouges !… Tout ça pour des histoires où il y a un évêque, à ce qu’on raconte… Dire que sans cette engeance, on vivrait en paix !
    — Je crois que tant qu’Édouard vivra, nous ne serons jamais en paix, dit Ogier. Je l’ai vu comme je vous vois. Je lui ai senti l’âme noire ; moins noire, toutefois, que celle de son fils… C’est un prince… hé oui : un prince noir ! Et nous sommes bien peu, nous, devant ces alliés que ces deux malandrins rassemblent en s’endettant !
    — Nous allons, pour commencer, bouter Édouard hors de Calais !
    Courvaudon se rengorgeait, approuvé par ses compagnons. Ogier hocha la tête, son père également. Raymond avait fermé les yeux, enfermant peut-être dans un rêve rouge des scènes du siège de Rechignac, et se réjouissant peu ou prou d’être à son tour assiégeant.
    — Qui est auprès du roi Philippe ? demanda Ogier.
    — De fort bonne chevaleries et écuyeries… Le duc de Normandie son ains-né ; le duc d’Orléans, son ains-né [275]  ; les ducs de Bourgogne et de Bourbon ; les comtes de Foix, d’Armagnac, de Forez… Messire Jean de Savoie et Jean de Hainaut, lequel vous connaît bien, messire, et m’a conté comment vous aviez tué Richard de Blainville…
    Cette fois, l’admiration de Courvaudon apparaissait nettement. Ogier s’inclina :
    — Dieu m’est venu en aide.
    Il sentit une présence dans son dos, vit les chevaucheurs se lever et s’incliner : une femme. Il fut tenté de se retourner mais y renonça, certain que c’était la sienne en surprenant le froncement des sourcils de son père.
    — Que se passe-t-il, mon époux ?
    Il se leva, prit la main tendue de Blandine et la présenta. Courvaudon, après avoir admiré le petit visage inquiet, effleura d’un regard le ventre rondelet et parut désolé d’avoir, par sa venue, interrompu des amours profondes.
    — Le roi, m’amie, me requiert à son service. Il s’est mis en chemin pour délivrer Calais… Sa volonté prime tout…
    Lui montrait-il une face suffisamment affligée ? Sa voix soupirante l’était. Il n’avait d’ailleurs accompli aucun effort car brusquement, du fait de cette obligation de se séparer d’elle autrement qu’en ses prévisions, le passé se chargeait d’une importance nouvelle d’où le mauvais s’était retranché. Son cœur le tourmentait plus qu’aux jours difficiles. Que lui prenait-il soudain ? N’obtenait-il pas, par l’entremise de Courvaudon, cette liberté qu’il avait tant souhaitée ? Au lieu de chevaucher vers le Ponant et la Bretagne en alléguant la pauvreté plus que le désir d’escarmoucher les Anglais, il irait vers Calais la conscience en repos : mandement du roi ! Nul ne se pouvait soustraire à cette volonté, mais il pensait, et son père avec lui, qu’il était trop tard pour assaillir cette cité de bois édifiée autour de la vraie ville où la famine avait dû meurtrir plus de manants que les carreaux et les sagettes.
    — Tu vas partir ?
    — Il le faut bien, dame, dit Raymond.
    Ogier lui sut bon gré de l’avoir devancé. Il avait pensé que la solitude le soulagerait ; il pressentait qu’il n’en serait rien : au fur et à mesure que la distance entre Blandine et lui s’élongerait, leur confrontation s’étirerait aussi, d’autant plus pénible qu’elle serait lestée de remords, et que toutes sortes d’envies leur brûleraient les sangs. Pour le moment, il n’osait trop la regarder, mais il voyait ses joues durcies par le serrement des mâchoires, ses yeux, ses cils mouillés et sa bouche tremblante. Et il s’en trouvait déchiré. Une partie de son être acceptait la séparation, l’autre se regimbait, affirmait que tout avec Blandine était encore possible et qu’il tenait à elle ; qu’ils payaient chacun sans doute au même prix, une mésentente sourde, une guerre dont les plaies, brusquement et pour ce qui le concernait, venaient de se cicatriser alors que d’autres apparaissaient et saignaient, qu’il ne saurait comment soigner lors de cet exil-là, plus périlleux que celui de Bretagne puisqu’il ne pourrait y décider quoi que ce fût de convenable. Il devait obéir : il

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