Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’effleurer le ventre de Blandine.
    — Allons, le temps passe… J’aurais été heureux d’accepter votre hospitalité… Ce sera pour une autre fois.
    Déjà son pennoncier levait la bannière ; il le suivit, les chevaucheurs eurent un geste large à l’adresse des hommes et femmes de Gratot qui assistaient à leur départ ; la cour redevint paisible tandis que s’éteignait sur la jetée, le bruissement des fers foulant les graviers.
    — Il nous a à peine salués au passage, Thierry et moi !… Malgré ses grands airs, ce Courvaudon est un rustique…
    Ogier, en se forçant, sourit à son épouse. Elle avait raison. Elle avait raison pour tout. Mais en une telle occurrence, que pouvait-il faire ? Contrevenir à la volonté du roi, c’était se perdre, recouvrer l’infâmie, la honte ; subir un remords insupportable. Pire encore que celui de la Croix disparue…
    Aude décida de rester à Gratot. Thierry repartit vélocement pour le manoir de Blainville : il s’y préparerait quiètement tout en fournissant des recommandations à ses hommes. Afin d’éviter à Artus un cheminement inutile, il avait emprunté Broiefort à son beau-père. Le vieil Asselin l’avait accompagné :
    — Si je suis trop âgé pour le suivre à l’ost, j’aurai tout de même préparé son départ à la guerre !
    Bien que son mari fut absent au souper, Aude y parut plus sereine que Blandine, encore qu’elle tendît fréquemment l’oreille dans l’espoir de voir apparaître Thierry plus tôt qu’il ne le pouvait. Sauf Godefroy d’Argouges, qui acceptait le départ de son fils sans broncher, hommes et femmes exprimaient leur mécontentement : on était bien, on vivait en paix, pourquoi fallait-il que ce Courvaudon fut venu rompre une infinité de jours tranquilles ? Meschins [279] et soudoyers s’interrogeaient : si Thierry et Ogier voulaient ébahir le roi en prenant avec eux grande suffisance d’hommes, lesquels d’entre eux choisiraient-ils ? De tous les serviteurs, seuls Courteille et Desfeux, semblaient épris d’aventure. Depuis qu’il s’était attablé non loin d’eux, Ogier sentait leurs regards attachés à sa personne. Eh bien, s’ils voulaient se frotter à la peur plutôt qu’aux commères de Gratot et des hameaux voisins, pourquoi non ?
    — Combien d’hommes emmènerez-vous ? demanda Tinchebraye.
    Il savait qu’il serait de la partie ; il s’en réjouissait et c’était pourquoi Blandine le regardait durement.
    — Toi, dit Ogier. Joubert, Le Hanvic et Mahé, ainsi que Courteille et Desfeux qui en meurent d’envie !
    — Mille grâces, messire, dit Courteille.
    Les femmes murmurèrent : elles réprouvaient cette allégresse. Godefroy d’Argouges, lui, adressa aux deux compères un regard approbatif.
    — Et Raymond, ajouta Ogier, dont j’ai fait mon écuyer.
    Une ovation salua cet avancement après laquelle Crescentini demanda :
    — Et vos deux Génois, messire ?
    — Hé oui… Et nous ? dit Sapienza.
    La tablée murmura. Blandine se pencha pour souffler à l’oreille de son époux :
    — Ils sont heureux aussi à l’idée de se faire occire !
    Ogier remercia les deux compères d’un clin d’œil.
    — Puisque vous y tenez, vous viendrez avec nous.
    On servit des pichets de vin de Normandie, « piquant et dur comme un fer de sagette », dit Gardic tout heureux de demeurer à Gratot. Blandine se leva. Aude se mit malaisément debout et se pencha sur son père ensommeillé mais fermement assis dans sa cathèdre :
    — Nous ne sommes plus en état de veiller, ma sœur et moi.
    Était-il nécessaire de justifier leur retrait ?
    Ogier quitta son siège. Pour ce qui concernait son départ et celui de sa femme, certains allaient penser – sauf Bertine et quelques autres – qu’ils avaient hâte de s’accoler une dernière fois…
    Après qu’elle eut allumé une chandelle dans l’âtre, il baisa sa sœur au front, écouta son pas décroître et suivit Blandine dans l’étroite vis de l’escalier. Elle tenait l’esconse [280] qu’elle préférait à tout autre luminaire et soupirait de degré en degré. Au baiser d’Aude, où la compassion l’emportait sans doute sur l’estime, elle avait répondu par un attouchement de sa joue sur celle de sa belle-sœur.
    Son corps bouffi dansait sur la pierre des murs et s’effaçait quand, de sa paume, elle feignait de protéger une flamme pourtant résistante.
    — Je suis lasse… lasse de

Weitere Kostenlose Bücher