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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que j’ai moult parlé de Crécy… Ce serait chose étonnante qu’un chevalier oublie complètement ses batailles… Mes hommes en parlaient aussi… Nous nous entraînions les uns les autres à revivre d’autant mieux tout cela que nous eussions pu figurer dans les monceaux de corps sans vie que nous avons vus s’élever autour de nous… Mais sache qu’après Crécy, le roi a dû licencier l’ost… ou plutôt les débris de cette armée dont il était si fier… Et s’il a attendu, c’est pour une raison que tu connais aussi bien que moi : nous ne sommes tenus à le servir que quarante jours par an… Il a attendu la saison propice, voilà tout !
    Thierry passait, allant aussi aux écuries :
    — Il faudra que tu me prêtes un sommier…
    — Bien sûr.
    — Qui emmenons-nous, Ogier ? Tes hommes et les miens ?
    — Certes non ! Il va falloir que tu confies ton manoir à un homme sûr… et qu’il n’en dégarnisse jamais les défenses… Aude reviendra vivre à Gratot…
    — C’est ce dont elle a envie… Cela vous réjouit-il, Blandine ?
    La réponse fut différente de celle que Thierry espérait :
    — Je vous vois prendre vos dispositions pour le départ comme si vous prépariez je ne sais quelle joute. Vous allez encourir la male mort, mais vous n’en avez cure.
    Ogier sourit à son beau-frère :
    — L’affliction la rend furibonde. Pardonne-lui… Or, donc, le roi tient à nous voir ensemble. Inutile d’arriver devant lui avec une lance bien fournie : ce serait condamner nos hommes à la tuerie. Tu sais que plus il y en a, plus Philippe en fait occire… La plupart de mes soudoyers resteront à Gratot. Père leur versera leur solde…
    — Avec quoi ?
    Ogier sourit derechef :
    — Il avait cent agnels d’or enfouis quelque part. Il les a déterrés la semaine dernière… Quant aux gars qui vont nous hourder, les trésoriers des guerres les paieront comme de coutume… par mon truchement…
    Ogier se sentit pincé fortement au poignet.
    — Tu ne m’avais rien dit du trésor de ton père.
    — Il m’avait enjoint de me taire. J’y ai trouvé plaisance.
    — Je suis ton épouse, tout de même !
    Thierry se méprit sur la soudaine pâleur de Blandine :
    — Il nous en coûte à tous deux de partir. Cependant, la volonté du roi, c’est la volonté de Dieu,
    — Une volonté qui s’accommode bien de votre esprit servile !… De votre amour du sang !… Car je crois bien, en vérité, que la guerre vous plaît et même vous excite !
    Comme pris en faute, Thierry s’éloigna tête basse. Il fuyait sans même s’être rebiffé. Ogier fut près de l’appeler sous un prétexte quelconque, puis renonça.
    « Et s’il était vrai que nous aimons la guerre ? » se demanda-t-il, perplexe.
    Alors, il se fût réjoui d’y partir. Ce n’était pas le cas. Il convint aussitôt que sa tristesse venait surtout du fait qu’il ne savait comment quitter Blandine, et qu’il doutait, maintenant, que leur séparation lui rafraîchirait l’esprit et les sens. Le besoin absolu de laisser quelque chose de vivant et de pur entre eux ne concernait en rien l’enfant à naître. Il fallait qu’à son retour – car il ne doutait pas de revenir –, leur vie commune fût différente de celle qu’il devait abandonner.
    Il vit avec plaisir Courvaudon et ses hommes sortir du tinel et marcher vers leurs chevaux dont Gardic, Marcaillou, Lehubie et Sapienza s’étaient occupés.
    — Ainsi, messire Courvaudon, vous ne voulez pas coucher à Gratot.
    — Le chemin est long… Nous dormirons à Saint-Lô.
    — Assurez le roi de ma présence à son côté dès que possible.
    — Je le ferai… et lui dirai quel sacrifice fut pour vous ce départ… Je pense que votre épouse va vous rendre père dans quatre ou cinq jours.
    — Sans doute.
    Le soleil ruisselait sur les murs. Au-delà, les grands arbres levaient leurs chevelures autour desquelles volaient des mouettes ; flocons de plumes, neige qui plutôt que de tomber du ciel y remontait sans relâche. Sous les deux voûtes de l’entrée, des poules picoraient, et près de l’escalier accédant au treuil du pont-levis, Saladin semblait attendre. « Je ne l’emmènerai pas. » Plus loin, Madeleine Gosselin rassemblait au râteau une jonchée de fourrage ; pâleur, dans l’ombre, de deux bras nus, lents et solides, doux au regard, et sur lesquels, d’ailleurs, celui de Courvaudon s’était appesanti avant que

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