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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’elle répondît à ses propos ne fût-ce que d’un sourire ou d’un hochement de tête. Il la serra dans ses bras tandis qu’elle enfouissait son visage dans les plis de ce sarrau grâce auquel il avait semblance de rustique, ce qui la mécontentait – d’où son insistance à se vêtir ainsi.
    — Point de larmes, dit-il, ses mains montant et descendant sur le dos secoué de sanglots. Ce qui nous advient là est sans doute une bonne chose. L’éloignement est un remède que Dieu nous envoie.
    — Dieu !… Dieu !… Je n’y pense pas, moi ! Je pense à toi !
    — Je t’en sais bon gré…
    À la voir et à l’entendre maintenant, tout paraissait possible : une suite de jours paisibles, exempts de tout grief et de toute amertume, beaux et clairs comme l’été commençant. Mais cette bonace arrivait trop tard.
    — Nous aurions dû, Ogier, vivre à deux quelques mois…
    Seuls, loin de Gratot, eussent-ils vécu différemment ? C’était d’eux, sûrement, que venait leur mal de vivre et non pas des lieux qu’ils hantaient. S’ils n’avaient à Gratot, jamais manqué d’occasions d’être ensemble, en revanche, excepté dans leur chambre, ils avaient rarement été seuls. Peut-être, de par sa nature, Blandine avait-elle espéré un amour un peu plus détaché des liens de la chair… Eh bien, elle allait être seule dans leur lit et sans doute, certaines nuits, regretterait-elle ces exigences qu’elle avait vigoureusement repoussées pour imaginer, en se touchant, des enlacements luxurieux !
    — Reste !… Tu ne peux pas me quitter maintenant !… Trouve une bonne cautelle [277] pour demeurer céans… Feins d’être malade !
    — Courvaudon et ses hommes m’ont vu… Et mon devoir…
    — Je vais te rendre père dans quelques jours… Tu vois : je ne compte même plus en semaines… Il faut que tu sois présent !… Je n’ai jamais cessé de penser que cette guerre finirait par nous séparer tout à fait… Depuis que tu es venu me chercher, c’est mon plus grand tourment… Il faut que tu sois près de moi quand notre enfant paraîtra !
    Elle avait une façon particulière de dire : «  il faut », « il me faudrait », « il nous faudrait  ». Une supplication douce, couvrant une volonté inflexible. À ces souhaits feutrés qu’elle savait réitérer aux moments où tout recul était impossible, il avait souvent opposé une indifférence légère, répondant quelquefois : « Attends un peu », « Patience ! » ou «  Nous avons le temps ». Pas un instant, alors qu’on en parlait très souvent aux repas, alors qu’elle en avait pressenti les horreurs à Poitiers cerné par les Goddons, elle n’avait paru s’inquiéter de la malfaisance de cette guerre où Français, Anglais, Bretons, routiers de toute espèce s’entretuaient avec un égal courage. Pas un jour, elle n’avait paru sensible aux périls que la présence de Godefroy d’Harcourt en Normandie, après son retournement d’alliance, faisait peser sur le Cotentin. Ogier crut comprendre que cette contenance avait dissimulé des angoisses profondes, et qu’elle s’effrayait à l’idée de devoir les supporter seule. La veille ou l’avant-veille, il se serait réjoui de cette anxiété en feignant un étonnement énorme : «  Tiens, je compte donc un tantinet pour toi  ! » À quoi bon la tourmenter davantage. Elle sortait de la mélancolie et du silence dans lesquels elle s’était confinée ces temps-ci par crainte, peut-être, d’enfanter dans des douleurs mortelles : tout rire, toute joie, toute conversation portait préjudice aux apprêts de sa gésine…
    Ils marchèrent lentement dans les champs aux herbes chaudes, brossées par le vent de mer. Ogier ne montra guère d’étonnement à voir paraître Thierry et Aude, à cheval. Blandine, elle, en parut scandalisée :
    — On dirait que notre malheur les attire.
    — Père leur a fait envoyer un coulon.
    — Comme quoi ton idée aura au moins servi une fois.
    C’était plutôt l’idée de Godefroy d’Argouges ; une idée vieille de sept ans. Mais le dressage des oiseaux en compagnie de Thierry lui avait fait passer des moments pendant lesquels son esprit s’était vidé de toutes ses pensées amères.
    — Thierry aussi doit partir. C’est pourquoi on l’a mandé.
    — Aude n’en paraît guère affligée.
    — Ses yeux sont éplorés.
    — Le sel du vent de mer.
    Comme la mer, Blandine semblait en plein

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