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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Argouges, messire, et je l’ai repris avec joie, une revanche accomplie.
    — Vous vous êtes sorti d’Angle !… On me l’avait dit ; je ne pouvais y croire ! Tant mieux, ami ! Tant mieux !
    Très entouré, le roi ne s’occupait plus que de l’endroit où les sergents établiraient son pavillon. Côte à côte, bras croisés, ses fils plongeaient leur regard dans la mer à défaut de pouvoir y plonger leur corps. À la marée du soir qui festonnait de blanc l’eau rouge de soleil, s’opposait la lourde, étincelante marée des hommes d’armes indécis. À défaut d’avancer, on s’éparpillait bruyamment, sauf sur le versant du mont Sangatte défendu par la tour anglaise au sommet de laquelle une longue bannière secouait au vent les lis usurpés à la France et les léopards d’Angleterre.
    — Que vas-tu faire ? demanda Ogier, passant au tutoiement.
    — Revenir auprès de ceux que j’ai quittés.
    — En brassant ?
    — Comment faire autrement ?… La nuit, en faisant un grand détour, la chose est possible… Ah ! certes, il faut ouvrir l’œil : les Goddons ont des écumeurs partout sur de petites barges…
    — Que diras-tu à tes amis ?
    Bellebrune sourit. Ses prunelles flambèrent et sa bouche frôla l’oreille d’Ogier :
    — Je pourrais leur dire que le roi est un sot, mais je m’en garderai pour ne pas briser leurs dernières espérances… et leurs forces… Ne crois pas que nous sommes tous liés face aux Goddons… Certains, depuis les premiers jours du siège, nous ont adjuré de nous rendre… Et chaque jour qui passait et ajoutait ses maux à ceux de la veille a renforcé leur envie de céder à l’ennemi ou de se vendre à lui.
    — Et vous les avez laissés en liberté ?
    — Ce sont des hommes connus, respectés… Rares sont les bourgeois qui savent faire la guerre. Eustache de Saint-Pierre est de ceux-là… D’autres aussi : plus la malefaim a tourmenté les gens du commun, et plus ils ont eu d’aise à leur montrer que vivre sous le poids de la couronne anglaise ne serait pas pire que vivre sous le poids de celle de Philippe, qui ne nous secourait pas !… Et vois-tu, j’ai grand peur que le Valois n’ose affronter son cousin Édouard !… Ah ! certes, il a le nombre, mais il sait désormais que c’est insuffisant et porte en lui, telle une maladie, la crainte de la défaite… Allons, je te quitte : il me faut attendre la nuit en un lieu sis loin d’où nous sommes !
    — Loin, vraiment ?
    Bellebrune tendit la main vers un boqueteau éloigné au moins d’une demi-lieue :
    — Dans la failloise [352] , là-bas.
    Sans un adieu, en hâte, il s’éloigna. Il avait le dos voûté, la démarche chancelante, mais la fatigue n’y était pour rien.
    — Que faisons-nous ? demanda Thierry.
    — Que veux-tu que nous fassions ? Demeurons là. Mettons nos chevaux près de ces troncs d’arbres et mangeons un morceau… Ça nous empêchera de ronger notre frein !
    Ogier tendait à Courteille la bride de Marchegai quand l’Henri apparut, essoufflé d’avoir couru :
    — Messire ! Messire ! Le roi vous mande auprès de lui.
    — Qu’a-t-il en tête, maintenant ? dit Joubert, exprimant les pensées de tous.
    Ogier eut un geste d’impuissance. Il quitta ses compagnons, contourna des chevaux et des hommes et atteignit le petit cercle de chevaliers groupés autour de Philippe VI. Le sire d’Offémont en Vermandois, qui connaissait bien le pays, et le maréchal Guy de Nesle, sire de Mello, lui sourirent en lui accordant le passage.
    — Argouges !… Mais où donc étiez-vous passé ?… Non, non : point d’explications ! Nous n’avons pas de temps à perdre pour prouver à mon cousin notre hardement et notre volonté de lui faire la guerre.
    Le roi suffoquait, les veines de ses tempes s’étaient gonflées, chenilles bleues sur sa face rouge ; sa langue devait être sèche, car il la portait souvent à ses lèvres pour l’humecter de sa sueur.
    — Vous avez bien vu cette tour de merrain, là-bas ?
    — Oui, sire.
    — Il paraît qu’elle renferme trente Goddons.
    — Oui, sire.
    — Avant que d’envoyer, demain, une ambassaderie à mon cousin Édouard, je veux lui montrer que nous sommes en force. Adoncques, nous allons prendre cette tour.
    Le nous, cette fois, ne ressortissait point au pluriel de majesté : Ogier comprit qu’il avait été choisi pour cette conquête et agirait ainsi par délégation

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