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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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royale.
    — Voyez ! cria tout à coup Geoffroi de Charny.
    Tous regardèrent dans la direction de son index.
    Les Calaisiens avaient allumé des feux sur leurs aleoirs. Telles de grosses fleurs pourprées, leurs flammes mettaient entre les merlons une sorte de joie, de plaisir vivace, tandis que les fumées montaient, hautes et claires.
    — S’ils crèvent de faim, dit Charny, ils ont de quoi nourrir leurs flambées.
    — Allons ! Allons ! reprocha Jean de Normandie avant que de tomber dans une espèce de mélancolie sans doute sécrétée par une peur qui n’osait transparaître.
    — Ah ! soupira le roi, je conçois qu’ils aient envie de nous voir de plus près. Si seulement quelques renforts nous arrivaient. Tiens : ceux – seulement – du Brabant qu’on nous avait promis, il y a peu, au Louvre [353]  !
    « Cent mille hommes à ce qu’on dit, car je crois que nous sommes moins », songea Ogier. « Et il lui faut des renforts ! »
    — Nous sommes dans notre bon droit, dit le sire de Saint-Venant. Je sais que nous avons à cœur de reprendre cette cité. Mais je me dis que la France semble avoir déplu à Dieu…
    — Oh ! s’indigna le duc de Normandie.
    — Puisque, continua le maréchal impassible, notre bon ami Charles de Blois, qui tant l’aimait, a tout de même été vaincu à la Roche-Derrien [354] .
    — Vous êtes trop anxieux, Wavrin, reprocha le roi. Nous sommes en force et ne subirons nulle mésavenance.
    « Voire », songea Ogier. « Quand leurs ventres ne sont pas pleins de nourriture et de vin, leurs cœurs se vident et leur courage s’éteint comme un lumignon sur lequel souffle une simple brise. »
    — Ils sont peut-être dans les mêmes dispositions que nous, reprit le sire de Saint-Venant dont le visage débiffé trahissait des insomnies irrémédiables. Ils attendent des renforts [355] . Si ceux-ci sont en chemin, nous n’avons rien pour interdire leur avance.
    — Hélas ! soupira le roi. Ils se permettent ce que nous ne pouvons leur faire sur leur Grande île. Mais patience : un jour, nous irons jusqu’à Londres…
    Philippe VI suspendit sa phrase, devinant que dans son entourage, nul ne croyait à ses propos. Pas même ses fils.
    — Ils nous prennent tout, enragea le duc de Normandie. Si seulement je m’étais trouvé là quand ils sont venus rober les bestiaux qui nous font désormais défaut [356] .
    — Peu me chaut le passé, grommela Philippe VI. Le présent seul importe !
    Ogier se sentit examiné, soupesé, cependant que le roi balançait sa tête comme pour y entendre le tintement d’un grelot.
    — Vous êtes mon champion, Argouges. Adoncques, il me faut cette tour !
    — Maintenant, sire ?
    — Évidemment.
    Philippe VI s’exprimait comme un homme qui, de sa vie, n’avait jamais perdu, en tout acte, la moindre parcelle de temps. Le duc Jean, à sa dextre, hocha sa tête insignifiante tandis que son frère puîné, plus veule que jamais, mâchonnait, les yeux au ciel, une cuisse de volaille.
    — Je dois vous dire, Argouges, que lorsque l’idée m’est venue de conquérir cette tour dès ce soir, je me suis demandé : avec qui ? Charny m’a soufflé votre nom.
    Ogier se tourna vers le porte-oriflamme :
    — Je vous rends grâce de m’avoir, par l’entremise du roi Philippe, imputé une mission dont un gonfanonier tel que vous ne saurait s’acquitter à merveille !
    Il avait frappé fort ; il vit Charny lâcher l’oriflamme et le duc d’Athènes la retenir ; mais le roi repoussa l’épée du malveillant dans son fourreau :
    — Allons, allons, Argouges !
    Il riait, crachotant un peu.
    — Vous avez le sang vif. J’aime cela ! Je suis sûr que vous allez nous faire une belle appertise !
    — Sire, cette tour sera votre propriété.
    S’il en avait la certitude, Ogier savait également que des douzaines de compagnons d’armes périraient inutilement dans une aventure qui n’ajouterait rien à la gloire des lis de France. En outre, la possession de ce beffroi ne gênerait ni ne perturberait les manœuvres des Anglais.
    — Sire, vous le savez, ma bataille est petite… Avec qui dois-je m’allier pour assaillir cette bastille ?
    Le roi étouffa un bâillement – ou un soupir. Fermant un moment les paupières, il parut se placer par l’esprit à une longue distance des hommes silencieux qui l’entouraient, sans qu’aucun d’entre eux parvînt à deviner en quel lieu et quelle compagnie ses

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