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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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De braves et hardis chevaliers le secondent : le sire de Beaulo, messire d’Audrehem, Jean de Surice, Geoffroy de La Motte, Pépin du Wer, Gérard de Werière, et moult autres qui sont de corps faible et d’esprit solide [348] .
    — Bien, bien… Nous porterons remède à cela…
    « Comment ? » se demanda Ogier. Il imagina les affamés sur les murailles. Sans doute quelques-uns d’entre eux avaient-ils hurlé : «  Voilà les bannières de France ! Voilà le roi et son armée !… Des milliers, ils sont des milliers ! » Et les gens étaient montés près des guetteurs pour se repaître au moins la vue de l’arrivée de ce grand ost qui les délivrerait enfin de la géhenne. Ah ! comme ils devaient s’ébaudir et chanter ; comme cette ville blessée à mort devait réapprendre à vivre !
    — Messire, chuchota Joubert, que croyez-vous que le roi va faire ?
    Plutôt que de répondre : « Rien », Ogier feignit une surdité qui lui coûtait.
    À Crécy, Philippe VI s’était montré décidé à l’attaque ; ici, sur ces hauteurs du mont Sangatte où le jubat [349] fraîchissait, il donnait à ses compagnons d’armes grands et petits l’image d’un homme las de la guerre, dépourvu de courage et d’imagination. Cependant, il se reprit : ses fils l’observaient.
    — Quelle est cette chose, là-bas ?
    — Une tour de merrain comme ils en ont bâti quelques-unes…
    — Bien pleine d’hommes d’armes ?
    — Une trentaine d’archers, sire, et un capitaine… Souvent un grand seigneur vient y faire visite…
    — Aisée à conquérir !
    — N’en croyez rien, sire, dit Bellebrune dont le courroux s’envenimait. Deux doubles fosses l’entourent, sauf en un lieu qui est la pente même du mont Sangatte…
    — Il nous faut prendre cette tour sans barguigner.
    « Et après ? » se demanda Ogier, tout aussi consterné que Bellebrune.
    À travers les rejetons des arbres que les Anglais avaient abattus pour charpenter leurs défenses ou leurs maisons, et par une échappée entre deux rochers, il regarda la mer dont la mousse léchait cette grève où toute marche, toute course était aventurée. Il imagina les grésillements de cette eau vive absorbée par le sol et glissant sur les coquilles, les écheveaux de varech, les fragments d’épaves rejetés, les crabes morts et les sauts des grosses puces grises. Puis, au-delà, ses yeux se posèrent tout d’abord sur le Calais d’Édouard, et sur celui de Philippe VI, le Calais de la faimvalle et de la mort lente d’où un brouillard de bruits semblait monter, révélant une joie qu’il trouva malvenue.
    — Sire, suggéra Bellebrune, vous et votre ost pouvez contourner ce beffroi.
    « Que faisons-nous ici ?… Le roi ne m’emploiera pas. Il ne sait pas ce qu’il doit faire… Ni ses fils qui pourraient émettre au moins une opinion… Les maréchaux se taisent : ils craignent que leur avis – car sauf Charny, ils en ont un – ne soit rejeté comme une offense !… Nous serions tous mieux à Gratot… Il fait si chaud que la mer doit être douce… Se rouler dedans… Ah ! certes, Blandine ne s’y vautrerait pas comme une nuit Adelis, mais elle soulèverait sa robe et se mouillerait jusqu’aux jarrets. Elle l’a déjà fait… »
    Il avait soudain la tête pleine de Blandine. Il la vit penchée sur un enfant… Un fils qui lui ressemblait… Comment l’avait-elle appelé ? Godefroy ? Ogier ? Elle n’avait pu l’appeler Herbert !… Ni Aimery ! Qu’en pensait le vieux Godefroy d’Argouges ? Était-il fier de ce gars ?… Il fallait que ce fut un gars… Il eût même fallu, pour adoucir les sentiments du vieillard envers Blandine, qu’Aude eût mis au monde une fille.
    — Toi, tu penses à Gratot, dit Thierry !
    — Comment peux-tu le savoir ?
    — Quand tu as l’œil mi-clos et la bouche affaissée… Quand tu tords et détords les rênes comme maintenant…
    Ogier sourit. Quels que fussent les sentiments qui l’agitaient, il s’était imaginé qu’il les dissimulait aisément ! Ceux de Bellebrune, en revanche, étaient des plus criards. Sa voix tremblante de fureur portait loin :
    — Sire, les gens de Calais meurent chaque jour par douzaines. Le mal de grande faim est pire qu’une épidémie… Ils ont tenu des mois, mangeant leurs bœufs, puis leurs chevaux, puis leurs chiens et ceux qui en avaient, leurs chats… Puis les rats…
    — Les rats ! grimaça le duc Jean.
    Son

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