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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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autant ! grincha Tinchebraye.
    — Et moi donc ! gémit Joubert.
    Deux grands vantaux apparurent. Des hommes et des femmes de pierre en ornaient les contours. De misérables lambeaux de lueurs nocturnes semblaient barbouiller de craie leurs faces austères.
    — C’est là, dit dame Berland.
    De l’épaule, elle pesa sur un vantail qui s’ouvrit en miaulant.
    — Faut un flambeau, dit Tinchebraye.
    — Il y a des cierges allumés, répliqua aigrement la mère de Blandine. Sachez vous en contenter.
    — C’est bien ce que je vais faire, grommela le Normand. Je sais quand et comment tenir une chandelle et si vous l’ignorez, je veux bien vous l’apprendre.

IV
    Sous les voûtes aux cintres changeants, bosselés ou hérissés de pendeloques crayeuses, aussi longues, parfois, que des poignards, la froidure devenait insoutenable. Serrant plus fort Blandine contre son flanc, Ogier l’encouragea d’un sourire :
    — On se croirait en plein mois de décembre.
    — Messire, dit Joubert, pour avoir chaud au cœur, il suffit de croire à la bonne issue – c’est le cas de le dire ! – de notre entreprise.
    Dame Berland, qui le suivait, trébucha. Tinchebraye la soutint par la taille :
    — Holà ! gardez-vous de vous rompre une jambe : nous ne pourrions vous porter aisément…
    Ils allaient le dos rond, la tête penchée, derrière le pennoncier porteur d’une torche et d’une gibecière emplie de nourriture. Ils pataugeaient dans des flaques, heurtaient des cailloux, glissaient de loin en loin sur l’échine aiguë du rocher. Les flammes débusquaient des fissures diamantées d’eau, des renflements lisses comme de grandes cuirasses noires et des fronces taillées par des pointes d’acier, émaillées de sueurs laiteuses. Les voix, dans ce caveau, prenaient des résonnements profonds, et seul Tinchebraye, la barre de fer à la main, le gros bissac de dame Berland de l’autre, semblait s’accommoder de l’humidité âcre de cette galerie qui peut-être, en un lieu, s’achevait devant un amoncellement de pierres.
    — Ça pue le champignon sans qu’on en voie aucun !
    Joubert venait de s’arrêter, sa torche un peu plus haute, immobilisant dame Berland vêtue d’une pesante brigantine, de chausses et de heuses appartenant à Herbert le jeune. Tinchebraye tança le pennoncier :
    — Voilà trois fois que tu t’arrêtes !… Crains-tu d’aller plus avant ?
    Sans qu’il osât l’avouer, il en avait assez d’errer dans ce conduit où çà et là, des marches apparaissaient, qu’il fallait toujours descendre. Ogier eut envie d’abandonner la pelle dont l’usage lui paraissait inutile tant il avait la conviction que ce souterrain n’avait subi aucun dommage depuis son creusement.
    — Sommes-nous sous le Clain ? demanda Blandine. J’ai grand-peur. Toujours !
    Elle s’était libérée ; elle frottait ses bras, ses épaules ; lâchant la pelle qu’il saurait bien retrouver en cas de besoin, Ogier effleura de ses paumes les cheveux d’or tressés en couronne :
    — Nous allons bientôt passer outre… M’amie, ma cousine Tancrède, dont je vous parlerai, aime à se vêtir en garçon. Je l’ai même vue porter une armure de fer et trouvé que cela lui seyait, bien que désapprouvant ces façons… Vous êtes femme – plus qu’elle –, et sans vouloir vous offenser, ce pourpoint de cariset [50] , ces chausses et ces heuses sont malséantes pour une personne telle que vous…
    Blandine baissa la tête ; il regretta de ne rien voir de son visage. Bien qu’elle lui parût ainsi humble et soumise, il subissait son empire et ne pouvait que se répéter, comme chaque fois qu’il la contemplait, qu’elle était trop belle pour un homme de son espèce, fût-il d’excellente lignée. Sans qu’il se sentît un huron auprès d’elle, il lui devinait plus d’aisance et de maintien qu’il n’en possédait. Il eût donc pu s’enorgueillir d’être l’élu d’une telle beauté ; il advenait qu’il en éprouvât, léger, certes, mais indéniable, un souci dont il ne se délivrait qu’avec peine. Comment sa nature bien rêche – il en convenait – s’allierait-elle à cette douceur ? Seraient-ils convenablement appariés ? Cette soumission complète et même admirative de Blandine à l’inconnu qu’il était toujours pour elle, due en partie aux menaces d’une guerre dont elle n’ignorait rien, ne se muerait-elle pas, plus tard, en adversité ? Cette

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