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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quelle que puisse être la défiance que peut-être j’éprouverai…
    — Cet homme m’a toujours fait peur.
    — Il n’est que bonté !
    — Il ne m’aime pas.
    — Je crois plutôt qu’il n’aime pas les femmes.
    Laissant dame Berland aux rudes consolations de Tinchebraye, qui lui offrait sa selle et tenait l’étrier (« Voyez, dame, l’utilité des chausses d’homme »), Ogier entraîna Blandine jusqu’à Marchegai dont l’œil songeur s’anima.
    — Je le reconnais… C’est lui que vous montiez aux joutes… Il est beau !
    — Pour moi, m’amie, il est superbe.
    Après avoir remis Confiance au fourreau, Ogier aida la jouvencelle à se jucher en selle. Quand il l’eut rejointe et ceinturée, ses mains formant, sur son ventre, une boucle vivante, il regarda ses compagnons un à un et prit enfin le ton du commandement :
    — Delaunay et Bazire, devant… Tinchebraye, tu les suivras… Ne serre pas tant dame Berland ou elle périra étouffée… Gardie et Lehubie, derrière… Joubert, ensuite. La damoiselle et moi vous suivrons…
    Ses mains jouèrent sur le ventre de Blandine ; il devina le petit creux de son nombril.
    — Je t’aime… chuchota-t-il.
    Comme elle se laissait aller en arrière, il sentit ses reins tiédir son ventre. En esprit, il la dévêtit, se dévêtit et les imagina nus, galopant sur Marchegai dans des campagnes verdoyantes, loin des regards, des pluies, des vents et de la guerre.
    — J’aimerais… dit-il, sa bouche caressant l’oreille de la pucelle.
    Elle comprit : il la serrait tellement !
    — Il faut attendre, Ogier… Attendre notre mariage…
    — Je veux vous épouser sans retard… Le voulez-vous ?
    — Je le veux.
    Ah ! comme il eût aimé pouvoir lui dire : « Nous partirons dès demain pour Gratot. Mon père et ma famille nous y attendent… » Mais c’était impossible. Et d’ailleurs, Benoît Sirvin, lui aussi, attendait.
    « Que va-t-il me demander ? Pourrais-je m’acquitter de cet engagement ? Je lui ai du respect et mon dévouement lui est acquis… Mais ne va-t-il pas trop exiger d’un gars de mon espèce ? Il était Templier. Si mon corps peut et doit supporter l’aventure, mon âme ne sera-t-elle pas soumise à rude épreuve ? »
    Comme ce ventre de pucelle était doux sous ses paumes ! Quelles fêtes promettait ce corps qui déjà s’abandonnait au sien !
    « Je l’aime et j’en suis amouré. »
    Sa pensée ne débordait pas de cette évidence. Toutefois, au fond de son cœur, un doute subsistait quant à la longévité de cet amour. Né dans des circonstances extraordinaires de promptitude et de frayeur, était-il suffisamment profond pour durer ? Leurs caractères apparemment semblables n’allaient-ils pas subir, au cours des épreuves petites et grandes qui parsèmeraient leur commune existence, des changements tout d’abord imperceptibles jusqu’à se détériorer ? Jamais il n’avait sérieusement médité sur la possibilité qu’il y eût entre eux des dissemblances secrètes et des goûts incompatibles. Il était pour Blandine un sauveur doublé d’un fiancé agréable ; cependant, les propos de Benoît Sirvin, parfois, l’accablaient avec force. Il s’en délestait malaisément et son cœur ne s’épurait jamais tout entier de la lie que le mire y avait déposée.
    « Il ne la connaît pas mieux que moi. C’est un vieux loup solitaire. S’il lui avait parlé seulement une fois, sa méchante opinion se serait changée en révérence. » Tout le mérite de Blandine ne consistait pas seulement à être belle. Elle était douce, avenante. À Poitiers, elle avait su se montrer courageuse, égalant ainsi toutes les épouses des chevaliers. Que souhaiter de mieux en l’occurrence ?

V
    L’onctueuse tiédeur de l’automne. Le soleil de midi avivait à peine l’ocre brun des murailles de Chauvigny, et partout dans la ville basse, l’ombre pâle avait la fraîcheur d’une eau vive. Achevant quelque besogne avant le dîner, les manants allaient et venaient dans les rues tandis que des guetteurs, à raison d’un par embrasure, veillaient aux créneaux de l’enceinte.
    — Soyez quiète, mon cœur, dit Ogier en frottant de son nez la nuque de Blandine. Les cinq châteaux de cette cité en imposeront à Derby et à ses capitaines s’ils viennent jusqu’ici… Même Raoul de Cahors, qui connaît Chauvigny, les dissuaderait d’en tenter l’assaut…
    Il mentait. Que faire d’autre ?

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