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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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délivré d’une obligation qu’il commençait à redouter ; il en eut honte et s’efforça de sourire :
    — Messire, pourrez-vous nous accueillir, Blandine et moi, quand nous reviendrons de l’église ?
    — Tu le sais bien !… Tes hommes auront aussi le gîte et le couvert… et des soins s’ils ont été navrés comme toi et ton pennoncier… Mais j’aimerais savoir, si ce n’est pas trop te demander… Ces coups dont vous souffrez, qui vous les a portés ? Les Poitevins ou les Anglais ?
    — Les Anglais, messire… Poitiers, désormais, leur appartient…
    Benoît Sirvin s’adressa doucement à Blandine :
    — Vous aurez un époux d’une vaillance extrême.
    Il fut sur le point d’ajouter quelques mots, mais s’abstint. Ogier serra plus fort la dextre de la jeune fille :
    — Venez… Bientôt, nous serons unis devant Dieu… Remontons à cheval afin de gagner du temps.
    Il entendit le petit rire de Sirvin et ne s’en offensa point. Marchegai reçut sans regimber ce corps de femme sur sa selle, et pourtant, comme le mire, il n’aimait guère cette gent-là. Ogier se jucha derrière la pucelle et ce mouvement aviva la douleur de son épaule :
    « Je suis peut-être, vieillard, d’une vaillance extrême, mais près de cette vierge, j’ai peur… Peur de la décevoir au-dedans et au-delà du lit ! »
    Il agita sa main :
    — Suivez-nous, compagnons… Blandine et moi allons nous marier… Vous serez nos témoins…
    Il replongea son nez dans l’enivrante toison soyeuse. Il souriait, bien que l’angoisse persistât en lui : « Fais-tu bien non pas de l’épouser ainsi, mais de l’épouser, tout bonnement ? » L’avenir seul, immédiat ou lointain, lui fournirait une réponse.
     
    *
     
    Quand il eut marché plusieurs fois de l’autel au portail, teignant son froc aux clartés obliques des vitraux, frère Isambert s’arrêta sur le devant du chœur, là où sa bure s’imprégnait, il le savait, d’une pourpre cardinalice. Frottant de la paume le dos d’un évangéliaire relié en peau de truie et clos par un fermoir de cuivre, il soupira :
    — Te rends-tu compte, Ogier ?… Si je vous marie, damoiselle Blandine et toi, le courroux de messire Berland sera terrible !… Où que j’aille en Poitou, j’en souffrirai !
    — Vous n’en souffrirez nullement… Parce que le chevalier et son fils, dont j’ai appris depuis peu l’existence, ont dû être occis dans une sortie, à Poitiers, la nuit dernière… S’ils ont survécu, ils sont au pouvoir des Goddons, dans l’impuissance de payer rançon…
    Le clerc jeta un regard de familiarité aux chapiteaux représentant des êtres humains livrés à la fureur de monstres innommables, qu’Ogier voyait pour la seconde fois.
    — Même s’ils reviennent, mon père, vous prétendrez que ce mariage vous fut imposé par la menace : voyez, je suis venu avec mes hommes d’armes !
    Frère Isambert fit un pas en arrière, comme pour se mettre hors de portée d’une requête plus dangereuse que ces guerriers aux faces avenantes. Reculant toujours, il abandonna la lumière vermeille et s’inonda de transparences bleues qui, sans doute, lui donnaient l’illusion du Ciel.
    — Tu disposes de tout, mon fils, avec une aisance presque diabolique !… Mais je suis content de te revoir.
    — Sans votre crucifix, c’en était fait de moi dans ma geôle du donjon d’Angle !
    — Ah ! ce cher crucifix… Je le tenais d’un Navarrais de Blainville…
    Puis d’une voix dolente, comme s’il ignorait de quel objet terrible il s’agissait, Isambert demanda en tapotant son lourd missel :
    — Où l’as-tu mis ?… L’as-tu perdu ?… Vois celui que j’arbore à la hanche : du bois… du coudrier…
    — Je vous le rendrai, mon père, après la cérémonie… Mon cheval le porte à son troussequin.
    — Tu as pu constater que j’étais moins mauvais que tu le croyais !
    Ogier posa sa main sur l’épaule du presbytérien :
    — Vous serez absous de tout, voire en odeur de sainteté si vous célébrez ce mariage… Nous pourrions nous rendre ailleurs, mais je tiens à recevoir ce sacrement de vous, qui avez vécu à Gratot…
    Frère Isambert recula encore. Il avait maigri. Au-dessus de ses joues molles, couperosées, ses yeux étaient d’un acier plus net, plus brillant ; et si ses sourcils broussaillaient toujours autant, son visage et son cou, soigneusement rasés, lui donnaient un air respectable. À

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