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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prénom – était à peine ensevelie qu’elle s’ensevelissait, elle, dans le lit de la défunte…
    — Oh ! jeta comme un crachat l’accusée.
    Pleine de fureur envers sa geôlière, Blandine conservait une délicatesse de traits, une pureté de peau dont le garçon fut troublé. D’un geste, il enjoignit à ses soudoyers de s’éloigner. Ils menèrent leurs chevaux devant la maison de Benoît Sirvin, qui venait d’apparaître et leur adressait la parole.
    — Je vous dirai tout plus tard, Ogier… Sachez que si j’étais entrée céans, elle m’aurait verrouillée pendant mon sommeil… Elle se serait accointée à quelques manants pour qu’ils veillent sur moi… Elle sait passer des compliments aux sévices !
    Ogier n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. Il se tourna vers la femme immobile, dédaigneuse, la bouche retroussée sur des dents belles encore, mais qu’il trouva pointues comme celles des louves. Il se laissa tomber à terre et vit avec plaisir Blandine prendre les rênes et Marchegai rester immobile.
    — Dame, je n’ai plus scrupule à for-hâter [57] la cérémonie qui me tient à cœur. Blandine et moi nous marierons ce jour d’hui. Dès lors qu’elle sera devenue l’épouse d’Ogier d’Argouges – c’est mon vrai nom, je suis Normand, seigneur de Gratot en Cotentin –, oui, dès qu’elle sera mienne, gardez-vous de lui vouloir du mal ou quiconque de vos parents et amis : vous auriez trop à vous en repentir !
    Deux petites gouttes roulèrent sur les joues de la pucelle tandis qu’elle abaissait son regard sur le visage dur, décidé, du fiancé qu’elle s’était choisi. Il sourit :
    — Ce ne sera pas la célébration que tu souhaitais comme toute jouvencelle bien née, ni celle que je pourpensais pour toi… pour moi. Mais nous serons heureux !
    Ils entendirent un claquement de porte.
    — Elle est entrée ! cria Joubert. Que fait-on, messire ?
    Ogier aida Blandine à sauter hors de selle puis, la prenant par la main, il la mena jusqu’à Benoît Sirvin, en plein soleil sur son seuil. Après avoir glissé sur le visage et la poitrine de la jouvencelle, les yeux du mire plongèrent dans ceux du garçon :
    — Ainsi, tu as réussi !… Tu la ramènes…
    Blandine s’était inclinée avec une déférence composée de moins de respect que de crainte, tandis qu’Ogier se débattait contre un soupçon d’un poids intolérable : « Serons-nous parfaitement heureux ?… Fais-je bien de mener vélocement ce mariage ?… Ne va-t-elle pas, plus tard, me reprocher cet empressement et vitupérer ce désir fou que j’ai d’elle ? » Mais Blandine serrait sa main comme une fille qui se noie.
    — Avez-vous, messire Sirvin, vu frère Isambert ces jours-ci ?
    — Oui. On dit qu’il va se retirer à l’abbaye de l’Étoile, à trois lieues de cette cité.
    Ogier se sentit gêné : « Il me considère comme un malade ! Je dois être pâle et les traits tirés… » Il portait en son cœur, en ses membres, une lassitude infinie : après la brève et sanglante estourmie [58] de Poitiers, l’affrontement entre Blandine et sa marâtre venait d’altérer sa confiance en lui-même : « Je la sauve deux fois… Je veux qu’elle m’aime pour moi, pour ce que je suis et non par reconnaissance ! » Allons, bon : ses craintes recommençaient ! Blandine l’aimait avec une sincérité, une dévotion parfaites. Elle le rendrait heureux. Sentiments et ardeurs leurs seraient réciproques !
    — Si tu veux trouver ce clerc, va frapper chez le chévecier de l’église Saint-Pierre… Tu connais la maison. Mais ne trouves-tu pas que tu galopes trop… Et vous aussi, damoiselle ?
    Tandis que Blandine faisait front et répondait au mire par quelques phrases suaves, Ogier imagina dame Berland en son logis, donnant libre cours à une fureur qui ne s’apaiserait que par des bris de meubles et de vaisselle. Certes, il galopait, mais il avait raison, et son père, à Gratot, ne lui tiendrait nulle rigueur de s’être marié hors de sa présence.
    — Tu as une grosse plaie à l’épaule…
    — Je sais, messire, et j’ai mal… mais vous me donnerez des soins plus tard… C’est surtout Joubert, mon pennoncier, qu’il vous faudra soigner.
    Il s’aperçut que le mire était sorti sans son bâton d’os aux si fascinantes volutes, et que ses mains, blanches et comme lasses, tremblaient. La pensée lui vint que la mort de cet homme l’eût

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