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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sûmes même d’où provenait cette vengeance et d’où elle était partie : Gisors… Simon de Macy, qui avait été des nôtres avant de prendre l’habit de cordelier, nous avait chargés de toutes les turpitudes, aidé par Esquieu de Floyran, coprieur du Temple à Montfaucon, en Langue d’Oc ; Bernard Pelet, prieur du Mas-d’Agenais et Gérard de Boysol… Rien que des hommes de la Langue d’Oc… pour ainsi dire des patarins !
    Ogier se demanda comment Bressolles eût accueilli ce commentaire. Déjà, ayant exhalé un soupir, le vieillard reprenait :
    — Tout en démentant ces mauvaises rumeurs, Molay fit mettre dans des chariots les objets, parchemins et cédules les plus précieux. De la paille et du foin les couvraient. On attela des bœufs et des chevaux que l’on maintint prêts à partir. On les détela quand le Grand Maître reprit confiance, le 12 octobre de cette armée 1307 : il était convié à tenir le poêle parmi les princes du sang, aux obsèques de Catherine la femme de Charles de Valois, belle-sœur du roi…
    — Et il prit part à cet enterrement !
    — Avec plaisir… Quand il revint, le soir, à la Maison, les chariots n’y étaient plus : Gérard de Villers et Hugues de Châlons en avaient décidé le départ. Molay a dû s’emporter… J’étais dans ce convoi, derrière le charreton qui contenait le trésor du Grand Visiteur, Hugues de Peyraud… Plus tard, j’appris que Molay, sitôt tombé au pouvoir de Nogaret, et avant même d’en avoir eu connaissance devant un tribunal, reconnut les deux principaux chefs d’accusation portés contre l’Ordre : le reniement de Jésus et l’obligation de cracher sur la croix…
    — Pourquoi en semblez-vous si courroucé ?
    — Comment un homme de la condition du Grand Maître, comment un innocent – car nous avions au Temple les preuves que Jésus n’était qu’un homme ordinaire – oui, comment un innocent pouvait-il déjà désespérer de son Ordre et de lui-même ?
    Ogier sourit enfin :
    — Peut-être sentait-il s’appesantir sur lui, avec celle du roi, la justice divine !
    Benoît Sirvin eût pu se courroucer ; il n’en fit rien : trop occupé de ses rancunes, il oubliait ce garçon, à son côté, dont ses confidences sur le Christ n’avaient pas ébranlé la foi.
    — Molay n’était qu’un homme ordinaire, lui aussi ; un homme capable de juger tout le danger de sa position, puisqu’il connaissait la puissance et le caractère impitoyable de ses ennemis – le roi et Nogaret, que l’on disait patarin. Il crut, l’insensé, que la vérité suffirait à sa protection ; il engagea même les frères qui l’entouraient à l’imiter, et au-delà de ceux de Paris, tous les autres…
    Un soupir, puis :
    — Tu n’ignores rien, Ogier, de ce qui se passa ensuite et des accusations dont on accabla tous mes frères… Molay avoua, se rétracta… Eussions-nous eu un autre Grand Maître ? L’Ordre aurait survécu et apporté à ce royaume en perdition l’équilibre et la prospérité… Comme tous les sodomites – et c’était parmi nous l’un des rares [97]  –, Molay n’était entiché que d’égards, de toilettes, de joyaux et de jouvenceaux bien atournés… Et je crois bien qu’il était incroyant !
    — Messire, votre courroux vous rend peut-être injuste. La mort de cet homme, sur le bûcher, a racheté ses fautes…
    — Tu en parles avec sérénité ! C’est ton droit, mais tu oublies les centaines de chevaliers livrés aux bourreaux, les aveux obtenus par les fers rougis, les tenailles et les brodequins, les écartèlements, les doigts rompus, les dents brisées à coups de marteau, le fouet lesté de clous !… Sans Molay, l’Ordre vivrait toujours, car ayant montré sa force, Nogaret et Philippe l’eussent craint… Mieux : soutien de la royauté, l’Ordre eût contribué à faire du royaume de France un pays de bon vivre.
    — Il est vrai, messire, que les inquisiteurs…
    D’un geste, le vieillard interrompit Ogier :
    — Ils accusaient tous mes frères d’être des sodomites, mais la plupart d’entre eux l’étaient, et ils oubliaient que le concile de Troyes qui, en 1128, avait donné sa Règle au Temple, avait été présidé par Jean II, évêque d’Orléans, qu’on avait surnommé – et qui se plaisait à s’entendre appeler – Flora !
    Ce fût au tour d’Ogier de soupirer.
    — Messire, dit-il, abandonnez vos remembrances… Vous étiez

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