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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à Paris, vous avez pu fuir : je loue Dieu qui vous y aida.
    Il pensait Dieu et non Jésus. Comme quoi les commentaires de Benoît Sirvin se révélaient d’une influence presque terrifiante ; mais il se ressaisirait !… Il demeura songeur, le regard errant sur l’herbe que plissait un vent suave ; puis, regardant le vieillard, il fit un effort pour sourire :
    — Ainsi, vous accompagniez ces trois chariots qu’on a vus, la nuit, quitter le Temple…
    — Il y en avait sept, autant que de jours de semaine, mais quatre sont partis autrement.
    — Par quelque souterrain ?
    Le mire se contenta d’un grognement.
    — Ces quatre-là contenaient les parchemins et les livres, l’archivum que le roi convoitait aussi. Je sais qu’ils ont atteint Neaufles et que le 24 décembre suivant, mes frères conduiseurs les déposaient en une secrète chapelle…
    — Et les trois autres ?
    — Deux contenaient nos trésors tangibles : or, joyaux, argent et pierreries. Leur vue seule t’éblouirait autant que le soleil… Ils devaient gagner La Rochelle où certains de nos vaisseaux mouillaient… Ces richesses devaient être déposées dans un châtelet du Portugal… Je sais qu’elles y sont parvenues.
    — Et le dernier chariot, messire ?
    — Un charreton, plutôt… C’était le mien. Et je ne te fais pas languir : il contenait cette Croix que certains d’entre nous étaient allés désensabler sur la butte de Hattin quelques jours après la bataille que je t’ai contée…
    — La Vraie Croix !
    Pâle, le nez pincé, les mains tremblantes appuyées sur ses cuisses, Ogier se pénétrait de cette révélation incroyable : la Sainte Croix avait été sauvée par ceux qui l’avaient en détestation !
    — La Vraie Croix !
    Maintenant, paupières battantes, il considérait avec une espèce d’affolement sacré cet homme quiet, voire souriant, qui se gardait d’aggraver son trouble.
    — La Vraie Croix, Ogier. Quelques frères avaient relevé l’endroit où ils l’ensevelissaient… Ah ! certes, les Mahomets ont cru l’avoir conquise, mais ce n’était pas celle qu’Héraclius avait remise à ses prélats… Dix-sept jours après la défaite, informés par un des rares survivants de cette tuerie, cinq des nôtres la retrouvèrent et décidèrent de la conserver plutôt que de la restituer à un clergé dissolu… Ce fut ainsi qu’elle fut mise en lieu sûr, puis partit pour Chypre… Enfin, elle fut déposée au Temple de Paris et l’on fit en sorte que nul ne la vît.
    — Mais pourquoi, messire ?
    — Elle portait malheur ! C’est à cause d’elle et de ceux qui l’honoraient que le plus beau, le plus fertile des royaumes connut un sort funeste… Songe donc à ceci : serions-nous demeurés là-bas que le monde eût connu l’harmonie et la concorde : Juifs, Mahomets et Chrétiens eussent prospéré dans la paix. Jamais les barbares de l’Est n’auraient osé tourner de ce côté-là leurs yeux avides de richesses…
    — Messire, je ne crois pas à pareille concorde !
    — Elle s’est faite et bien faite en Espagne. À Tolède, Cordoue, Grenade… Saladin l’eût acceptée… Je pourrai te dire, ce soir, un poème d’Eimad ed-Dîn sur la prise d’une croix dont il a cru qu’elle était celle du Messie… Eh bien, il ne s’en réjouit pas !
    — Il l’a donc respectée plus que vous, Templiers !
    Ogier fut heureux de marquer un point. Il ne rit pas longtemps : le vieillard lui avait jeté le même regard qu’à un ennemi réduit à l’impuissance.
    — À Jérusalem, toutes les religions vivaient sous le même soleil. Nous avions même appris à confronter nos idées… Nous avions constaté que la Bible et le Coran se rejoignaient parfois au-delà des mots ; nous avions cherché le secret des noms et des nombres, car il faut bien l’avouer : l’Ancien Testament et le Nouveau sont une succession d’énigmes… Crois-tu vraiment qu’Adam vécut cent trente ans, qu’il engendra Seth et vécut encore huit cents ans ?… Et Seth ? Quel âge avait donc Ève quand elle l’engendra ? Il vécut cinq cents ans et eut un fils, Enosh, puis vécut encore huit cent-sept ans !… Enosh avait quatre-vingt-dix ans quand il engendra Kenan, puis il vécut huit cent quinze ans !
    — Messire, se moqua Ogier, vous connaissez parfaitement ces choses… Mieux que moi !
    — Si tu te questionnais autant que je l’ai fait, tu serais moins niais !
    Le garçon

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