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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’en disconvint pas :
    — J’aime cette niaiserie-là ! Possédant votre savoir, j’aurais l’âme bien sombre ! Si vous vous apprêtez à parler du Déluge, abstenez-vous-en.
    — Je pourrais certes t’en parler et te dire ce que j’en sais.
    — Dites-moi pourquoi vous n’avez pas remis la Sainte Croix au pape Clément ! À votre retour de Terre Sainte, vous avez dû passer par Avignon… Il s’y trouvait !
    Un sourire se glissa dans la barbe blanche ; un froncement de sourcils exprima un sentiment qu’Ogier ne put définir.
    — Après avoir eu la Croix en notre possession, presque conjointement avec le clergé de Terre Sainte, on nous aurait accusés de nous l’être appropriée… On aurait pu aussi crier à la tromperie : sacré ou non, le bois reste le bois !… Mieux valait conserver le secret sur cette… chose que, pour ma part, j’eusse laissée ensablée !
    — Messire ! s’écria Ogier, vous vous faites plus mauvais que vous n’êtes…
    Un rire agita Benoît Sirvin :
    — Sais-tu que ce n’est pas un compliment ? Ton plus implique une mauvaiseté reçue dès ma naissance !
    Ogier, les yeux baissés, fut un moment à recouvrer sa sérénité tandis que le vieillard semblait scruter le plus noir des buissons, droit devant, puis observait Marchegai, soudain attentif – mais à quoi ?
    — Le mercredi 11 octobre 1307, profitant de l’absence du Grand Maître, Godefroy de Charnay, qui commandait l’Ordre en Normandie, me reçut avec quelques frères et nous mit au fait des dispositions de Philippe IV envers le Temple. Comment les avait-il apprises ?… Nous avions des amis ; quelque scribe chargé de recopier l’ordonnance d’arrestation avait trahi le secret… Nous avons adjuré Charnay de dire au Grand Maître que notre salut consistait à nous défendre… Il répondit qu’il nous était interdit d’engager le fer contre des chrétiens ; à quoi Norbert de Giroussens répliqua : « Ce ne sont pas des chrétiens mais des suppôts de Satan », et d’ajouter qu’à nous seuls, nous battant selon nos coutumes, nous pouvions mettre la royauté en péril… Il suffisait que toutes les baylies [98] et les commanderies fussent averties… Molay est apparu. Nous l’avons adjuré d’envoyer des chevaucheurs hors de Paris… Par nos coulons et nos signaux de feu, le Temple tout entier eût été prévenu en un jour, et se serait gardé à carreau !… Le Grand Maître nous dit qu’il fléchirait le roi et qu’il suffisait d’ouvrir quelques coffres pour que la vue de l’or apaisât son courroux contre nous… Par sa confiance et sa fierté, cet homme continuait d’être notre pire ennemi !
    Benoît Sirvin cracha, soupira et reprit en tortillant l’extrémité de sa barbe :
    — Quand Molay nous eut quittés, Charnay nous dit qu’il avait pris des dispositions pour soustraire ce qu’il fallait à la convoitise et à la curiosité du roi. Il posa sa main sur mon épaule : «  J’ai fait placer des livres dans un charreton que tu mèneras à Payns, puisque c’est là que le Temple est né [99] … Tu les déposeras entre l’orme et chêne, à la mi-nuit de Noël… La Croix, elle aussi, est entre les ridelles. Cette même nuit, suivant la Seine en direction de Troyes, tu t’arrêteras au lieu dit la Loge. Il y a là une chapelle abandonnée ; tu y déposeras la Croix. Quelqu’un viendra la prendre et s’en ira la mettre en lieu sûr dans la proche forêt d’Orient, qu’on appelle aussi forêt du Temple… » Puis Charnay ajouta : «  À force de l’avoir reniée, il semble bien qu’elle se venge. » Norbert de Giroussens se mit à rire : «  Vous n’allez pas croire à ces choses ! Le bois reste le bois et Jésus un manant ! » Pour nous tous, s’il avait été de filiation divine, il n’eût jamais subi son sort.
    — Il est mort et ressuscité comme il l’avait annoncé !
    Ogier trouva sa protestation trop bénigne. Il suait et tremblait. Il était sous les voûtes du Temple avec Sirvin et ses compagnons. Il en sentait l’odeur, l’humidité ; le soufre ! Tout ce qu’il savait pour les jours à venir, c’était qu’il prierait beaucoup devant ou sans la croix. Il avait besoin de paix, de béatitude. Apparemment attentif et docile, il n’était, en son tréfonds, que tumultes et turbulences.
    — À quoi croyez-vous donc ? demanda-t-il, étouffant une imprécation.
    — À Notre-Dame, la Créatrice éternelle

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