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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui exista avant la naissance des monts et des rivières… À Dieu qui ne fait nulle différence entre les personnes : Chrétiens, Mahomets, Juifs, Grecs, Romains, Bulgares… et d’autres, parce que tout homme qui prie Dieu est sauvé… Quant au bois de la croix dont je te parle, il faut le tenir pour le signe de la bête dont il est question dans l’Apocalypse !
    — Non ! Non !
    Cette fois, de fureur et de déception, Ogier se sentait les paupières humides.
    — Dis-toi bien que chaque fragment, chaque copeau qu’une église, cathédrale ou non, s’enorgueillit de posséder dans son Trésor, est un bois d’imposture puisque, c’est un fait avéré, la Vraie Croix est censée avoir disparu définitivement à Hattin… Ne relèves-tu pas, dans cette évidence ou cette contradiction, une malice intolérable ? Ne crois-tu pas que l’Église abuse honteusement de la crédulité des croyants ?
    — Non !
    Ogier dut s’avouer qu’il se défendait désespérément.
    — Toi seul, désormais, et certains autres dont la présence m’inquiète, détenez la Vérité… Une Vérité affreuse n’est-ce pas ?
    À nouveau, d’un seul coup, cet acharnement ! Ogier ne s’en courrouça point : il s’était accoutumé tant bien que mal à ces sortes de blasphèmes. La fureur du vieillard s’apaisa :
    — Je dis à Charnay que je pouvais trouver des empêchements en chemin. «  Alors, fais demi-tour… Mets les livres et la Croix où tu voudras… Quelqu’un veille nuit et jour sur les lieux que je t’ai cités, et cette veille sera éternelle… Ce que tu ne pourras entreprendre, un autre le fera que tu désigneras  ! » Je dus partir…
    — Je crois avoir compris, dit Ogier.
    Le vieillard soupira ; une lassitude infinie courba son cou, son dos :
    — Ces livres, tu les connais. Et parce qu’ils sont bien en vue, nul ne s’est avisé de ce qu’ils pouvaient être… Sache encore qu’il me fut interdit de saluer mes compagnons… J’ai mené un destrier noir comme Marchegai. J’avais peur et ne souriais qu’en pensant au dépit de Philippe et de Nogaret trouvant le Temple vide de trésors… Ma peur s’accrut quand j’arrivai devant la première porte de la cité : elle était bien gardée… D’autres encore… Et le désespoir me prenait quand cinq ou six archers m’enjoignirent de m’arrêter, non pas pour fouiller mon charreton mais pour transporter deux des leurs, allongés, saouls de boissons, sur le seuil d’une taverne. Nous étions à deux ou trois cents toises de je ne sais plus quel postil [100] vers lequel ils se rendaient pour renforcer la garde… Dieu les avait mis sur mon chemin car grâce à eux et à Lui, je passai…
    Ogier ne dit mot. À quoi bon. Le vieillard poursuivit :
    — Noël était loin. Je me rendis en Poitou, à Vouillé où je suis né. Nul ne m’y connaissait sauf un tailleur de pierre, frère de ma mère… Il m’accueillit… En novembre, je fus malade d’une de ces fièvres des pays chauds et ne pus accomplir ma mission… Je devins tailleur de pierre, et c’est en œuvrant avec mon oncle en l’église de Montmorillon que j’appris le trépas de Molay, de Charnay et la fin de la chasse aux chevaliers du Temple… Alors, je décidai de partir…
    — Avec la Croix ?
    Ogier rougit sous un regard de pitié amusée.
    — Ah ! messire, dit-il. Quand je pense au Saint-Bois traité comme une chose vulgaire, mon cœur se noue… On met de tout dans un chariot : paille, foin… meubles… porcs et fumier…
    Il voyait, à chaque sursaut des jantes sur les cailloux, le Bois heurter les ridelles, racler le fond de la caisse et s’écorcher aux têtes des clous maintenant celle-ci sur des traverses grossières… Ignominie nécessaire, sans doute : si Nogaret et ses hommes l’avaient trouvée au Temple, ils eussent livré la Croix aux flammes en tant qu’objet d’un culte démoniaque.
    — Je ne pouvais partir avec la Croix sur mon épaule, comme ton Jésus !… Ni avec tous ces livres… Eux, je les ai soigneusement enterrés…
    — Et la…
    — J’en ai inclus le Bois dans la charpente de la maisonnette où je vivais, près de mon oncle… lequel avait défunté…
    — Messire !
    — Tu peux te courroucer ! C’était pourtant bien la meilleure façon de la rendre invisible jusqu’au jour où je déciderais de la reprendre… Car je pensais sans trêve aux commandements de Charnay… Il n’est qu’un Noël par an,

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