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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’Est sont naïfs… S’ils la possédaient, la Croix de Jérusalem et de Hattin subjuguerait ces hommes qui n’ont qu’un plaisir et qu’un vice : la guerre. Ils la feront [106]  ! Eux seuls n’ont jamais cru à sa disparition… Une perte dont – faut-il te le dire ? – le clergé de Jérusalem rendit le Temple responsable.
    — Je commence à croire, messire, qu’il eût mieux valu qu’elle demeure ensablée !
    Ogier pensait ce qu’il disait. Toute cette affaire le dépassait. Il n’y avait pas sa part. Jamais il n’aurait dû venir à Montgaugier. Blandine l’attendait et le croyait peut-être en grand danger de perdition, ce qui, d’une certaine manière, était vrai.
    — Ah ! ils l’ont cherchée, Ogier, cette Croix. Trois ans après le grand essart de vies humaines et animales – chevaux, ânes, dromadaires – dans la plaine de Hattin, quarante damoiseaux venant de Germanie touchèrent terre à Acre et furent armés chevaliers en présence de Frédéric de Souabe et du roi de Jérusalem [107] . Ils élirent le premier Grand Maître de l’Ordre nouvellement créé : Heinrich von Walpot et se ruèrent ensuite en direction de Séphouri avec leurs hommes d’armes. Ils savaient… Ils ont labouré les sables sans rien exhumer d’autre que des ossements et des armes enrugnies.
    — Vous semblez les avoir en détestation.
    — Ils furent parfois nos alliés, mais plus souvent, par leur lâcheté, nos ennemis… Ceux qui sont à Chauvigny, auxquels l’évêque Fort d’Aux manifeste une sollicitude absurde, sont peu pressés – et pour cause – de revenir en leur demeure magistrale de Marienburg… Ils se nomment Cottbus et Prenzlau. Ils vivent sous leurs trefs, au bord de la Vienne, mais l’évêque les convie trois fois par semaine à sa table… Ils savent… Tu les as vus sur le champ clos où tu joutais. Eux aussi t’ont observé. Il te faudra t’en défier !
    L’orageuse paix dans laquelle les commentaires du vieillard avaient plongé Ogier cessa d’un coup :
    — Vous allez me la confier ?
    La réponse fut d’abord un soupir :
    — Il n’y a guère de temps à perdre pour la soustraire à la convoitise de l’Ordre noir et la déposer où il convient. Si les hommes de Germanie s’en emparaient et parvenaient à la faire reconnaître pour vraie – et je peux te jurer qu’elle était à Hattin ! –, elle exercerait sur ces guerriers, des chevaliers aux soudoyers, un pouvoir plus effrayant encore que le labarum, cet étendard sur lequel, pour affronter Maxence, Constantin avait fait coudre une petite croix et le monogramme de Jésus avec l’inscription In hoc signo vinces  : tu vaincras par ce signe. Contrairement aux frères du Temple, ils croiraient, eux, à ses vertus… Or, on a trop occis d’innocents pour sa gloire ; elle a causé trop de malheurs. Je préférerais la brûler si je savais qu’elle peut tomber aux mains de ces chevaliers orgueilleux.
    — La brûler !
    Auprès de cet homme en état de partance pour le Ciel ou l’enfer, Ogier se sentit plongé dans une solitude obscure et presque irrémédiable. Le vieillard prit sa voix la plus douce :
    — Hé oui… J’ai souvent pensé à l’anéantir, mais la raison ou la déraison m’en a empêché… Crois-tu que je t’en parlerais ainsi, Ogier, si elle n’était pas l’objet de la dernière disposition que j’aie à prendre avant mon trépas ?… Tu as deviné que je l’avais… Tu l’as vue…
    — … dans la pièce où vous m’avez fait entrer lorsque je suis venu vous trouver, pendant les joutes, avec mon épaule démise…
    — En fait, je t’attendais… Tu me ressemblais… ou plutôt je t’ai ressemblé quand j’avais ton âge : blond, le visage rond, le front haut ; les yeux ni bleus ni verts comme une mer profonde… Le menton ferme… Et même sur la joue, cette marque un peu rose…
    — Un coup de fouet, messire, alors que je sauvais ma cousine d’un viol.
    Pourquoi, soudain, Tancrède s’imposait-elle avec tant de force à sa mémoire ? Quels lieux hantait-elle de sa présence ?
    — Une beauté complète et formelle avec un soupçon de tristesse, continuait le mire comme s’il venait, lui aussi, de songer à Tancrède alors que c’était de lui, Ogier, qu’il était question… Il me fallait, pour cette mission, un gars à ma semblance…
    À quoi bon penser à Tancrède. Mieux valait parler de la Croix :
    — J’ai – il m’en

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