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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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diras rien… Je dois te dire aussi que je me sens quiète, désormais, alors que depuis Chauvigny, je ne cessais de vivre dans l’angoisse… Crois-moi, Ogier : il t’adviendrait malheur si tu voulais arrêter le cheminement de ces chevaliers et de leurs compères pour reprendre ce qu’ils t’ont robé… Qui sait, d’ailleurs, si Sirvin n’avait pas robé lui aussi ce bois qui doit être bien maléficieux pour exciter pareille convoitise !
    Elle lança à Ogier un coup d’œil triomphant :
    — Je me réjouis que tu n’aies plus à me quitter pour aller du côté de Troyes en décembre !
    Elle sortait guérie de l’aventure. L’ordre à nouveau régnait dans ses sentiments, et sans doute avait-elle eu raison de le traiter de fou. Parce que toute cette histoire était follement vraie, il ne pouvait pas, il ne pouvait plus exposer la vie de Blandine et de ses soudoyers. Échec. Il se devait d’assimiler, voire de sublimer la honte qui le ravageait.
    — Messire, dit Lehubie en poussant son cheval en avant, jusqu’à Marchegai, si ces morceaux de bois dont parlait votre dame avaient des pouvoirs si grands, eh bien, par ma foi en Jésus, ils seraient demeurés votre bien… À moins qu’ils n’apportent le malheur à ceux qui les ont ou s’en emparent… Ces gens qui vous en ont dépossédé sont trop… Vous nous savez vaillants, nous ne sommes pas fous… Et ce serait marmouserie que de les assaillir à un contre quatre !
    Blandine se serra plus fort contre Ogier. Pour chuchoter :
    — Tu n’as pas le droit d’aventurer la vie de ces hommes dans une appertise où vous trouveriez tous la mort… Et moi aussi, car ils me chercheraient pour m’occire !
    — Tu as raison.
    Elle ne lui était d’aucun secours. Il évita d’en dire davantage. Il gardait contre elle et contre Lehubie une humeur qu’il savait pourtant injustifiée.
    — Malgré leur courtoisie, ces malandrins m’ont paru terribles ! dit Joubert. Vous avez raison, dame : contre pareille engeance, nous sommes impuissants.
    Tourné vers son épouse, Ogier vit qu’en dépit de ses propos, elle demeurait angoissée, mais il pensa : « Elle vient de se mêler de ce qui ne la regarde pas. » Il était soucieux de la vie de ses hommes, mais quoi ! C’étaient des guerriers, soldés en conséquence : qu’il décidât d’une action, ils devaient l’entreprendre bon gré mal gré, quelque périlleuse qu’elle leur parût. C’était ce que Tinchebraye et Joubert avaient fait à Poitiers pour la délivrance de Blandine. Précisément !
    La clairière apparut, et le charreton. Entre les brancards, le limonier paraissait paisible. Non loin de là paissait Tencendur.
    — Tiens, dit Bazire, on l’avait oublié !
    Penché sur Plantamor, il galopa jusqu’à la voiture qu’il contourna lentement. Après avoir soulevé le prélart, il s’écria :
    — Les armes, les sacs, les deux balles de foin et les boisseaux de cévade [129] , tout est demeuré dans la caisse… Mais ces malandrins ont pris le panier aux vitailles.
    — Tout est vraiment fini, dit Ogier.
    La custode ayant disparu, rien ne subsisterait de sa male chance !
    Son épouse serrée frileusement contre lui, il marcha jusqu’à la charrette. Il allait donc falloir repartir. Il ne se sentait plus déterminé en rien, et rien ne lui était plus indifférent, désormais, que ces profondeurs noires au-delà de la grande tonsure herbue où ils avaient dû s’arrêter. À quoi bon soulever le prélart : ce qu’avait crié Bazire suffisait. Plein de hargne et de tremblements, il imagina le sourire que lui eût adressé Sirvin s’il avait pu le voir maintenant, et toutes les ressources de la raison, toutes les bonnes excuses ne pouvaient ralentir les battements de son cœur : Échec ! Échec ! Vers quelle cité cheminaient Prenzlau, Cottbus, Welf et leur suite ? Il sentit quelque chose de frais sur sa joue : les lèvres de Blandine.
    — Je devine que tu es plus consterné que tu ne le laisses paraître… Tu n’as rien à regretter… Tu as cédé à la force… à la male fortune… mais ton vasselage [130] est inchangé.
    — Pour expier cette défaillance, j’irai à Compostelle.
    Il craignait d’entendre une protestation. Blandine resserra son étreinte :
    — Tu ne voulais pas m’emmener à Troyes… M’emmèneras-tu à Saint-Jacques ?
    Il contempla son épouse sans bien comprendre pourquoi sa demande l’avait presque contrarié.
    — Tu

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