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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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indifférence quant à tout ce qui l’entourait. Bien que sa maussaderie restât stationnaire, un vague travail se faisait en lui à mesure qu’il buvait. Ses idées s’alourdissaient et se troublaient, et il demeurait immobile et silencieux pendant de longues minutes, attentif au curieux tournoiement qui se donnait libre cours au-dedans de son corps. Son esprit bâillait au rythme de son ivresse, pareil à une ombre sous-marine qui ondule autour d’un pilotis. Il lui arrivait de penser – Janey était une putain ivre –, et un lourd et douloureux caillot obstruait sa poitrine. « Crac ce vlan », grommela-t-il, son esprit tournoyant avec paresse autour du souvenir sensuel d’une chevauchée sur le haut d’une colline qui surplombait une vallée ensoleillée. L’alcool se répandit dans ses jambes, et pendant un instant il se rappela le mélange complexe de sensations que l’on éprouve quand le soleil a chauffé votre selle et quand l’on s’imprègne de cuir chaud et dë cheval en sueur. La sensation de chaleur due à l’alcool recréa pour lui l’éblouissant soleil dans la clairière verdoyante où gisaient les corps japonais, et comme il pensait au regard de surprise qui s’alluma dans l’œil du prisonnier à la seconde de sa mort, un filet de rire se mit à couler en lui et à s’égoutter entre ses lèvres étroites et serrées – semblable à un filet de salive qui glougloute dans la bouche d’un malade. « Sacré nom de Dieu », marmonna-t-il.
    Wilson se sentait exceptionnellement en forme. Le whisky avait rempli son corps de sensations roses, d’un bien-être total, et de vagues et lascives images affleuraient à son esprit. Son aine s’engorgeait, devenait tumescente, et son nez frémissait d’excitation au souvenir des effluves sudatoires et fermentescibles d’une femme en chaleur. « Y a rien que je donnerais pas maintenant pour tirer un coup. Au temps que je travaillais comme boy d’étage h l’hôtel Main, y avait là-bas une fille qu’était chanteuse dans un petit vieux orchestre qu’est venu jouer dans notre ville. C’est moi qu’y répondais quand elle sonnait pour qu’on lui apporte à boire. Ben, j’étais un jeunot alors, et j étais comme qui dirait lent à piger, mais un jour que je suis monté dans sa chambre la voilà qui m’attend le cul à poil. Je vous le dis, j’y suis resté pendant trois heures sans descendre pour m’occuper de mon boulot, et y a pas une seule bonne manière qu’elle m’a pas fait. » Il soupira, se servit une longue lampee. « Elle et moi on a niqué tous les après-midi pendant deux mois entiers, et elle m’a dit qu’y avait pas un homme qui pouvait me battre. » Il alluma une cigarette, et ses yeux pétillèrent derrière ses verres. « Je suis un bon zigue, tout le monde peut vous le dire. Y a pas de merdouille de rien du tout que je réparerais pas, y a pas la plus petite bricole dans une machine qu’a jamais pu me baiser, mais je suis un fils de garce quand s’agit de femmes. Y a des tas de femmes qui m’ont (lit qu’elles ont jamais trouvé un homme comme moi. » Il passa sa main sur son front massif, et de là sur sa crinière dorée. « Mais y a rien qui bouffe un gars comme de rester sans femme. » Il ingurgita une autre lampée. « J’ai une môme qui m’attend à Kansas, une qui sait pas que je suis marié. On s’est mis ensemble quand j’étais à Fort Riley. Cette petite vieille môme m’écrit tout le temps des lettres, Red vous le dira parce que c’est lui qui me les lit, et elle m’attend que je reviens. Pour ce qu’est de ma vieille, je lui répète tout le temps qu’elle fera mieux d’arrêter de m’écrire ces espèces de lettres où c’est qu’elle me dispute à cause des gosses et pourquoi que j’y envoie pas plus d’argent, parce que sinon je suis bougrement sûr que j’y retournerai pas, chez ma vieille. Me-e-rde, de toute façon, j’aime mieux ma petite vieille môme de Kansas.
    Elle me cuit des repas que ça vaut la peine de les manger. »
    Gallagher s’ébroua. « Des foutres d’épateurs comme toi, tout ce qu’ils ont le temps de faire c’est baiser et baffrer.
    – Ben, qu’est-ce qu’y a de mieux que ça ? demanda Wilson avec douceur.
    – Ce qu’y a c’est qu’y a pas moyen de se démerder, dit Gallagher. On se crève le cul, alors je voudrais que ça sera pour quelque chose. » Il avait un air lugubre. « J’ai un gosse qui me vient à cette heure,

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