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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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venir se joindre à leur beuverie. Il l’observa pendant quelques secondes, tout occupé à gribouiller au crayon et remuer silencieusement les lèvres, et encore qu’il se dit qu’il l’aimait bien ; il fut vaguement irrité que Goldstein se tînt à l’écart. « Ce Goldstein est un bon zigue, pensa-t-il, niais c’est" comme qui dirait un je-bouge-pas-de-mon-trou. » Il lui semblait que le sens fondamental de la vie échappait à Goldstein.
    « Hé ! Goldstein, hurla-t-il, viens par ici ! » Goldstein leva la tête et sourit timidement. « Merci, mais je suis en train d’écrire à ma femme. » Il avait parlé avec douceur mais un accent craintif se devinait en suspens dans sa voix, comme s’il savait qu’il allait être maltraité.
    « Eh, laisse tomber cette vieille lettre, dit Wilson, Ça peut attendre. »
    Goldstein soupira, se leva, et vint rejoindre les buveurs. « Qu’est-ce que tu veux ? » demanda-t-il.
    Wilson rit. La question lui semblait absurde. « Eh, quoi, bois un coup. Pourquoi que tu penses que je t’ai appelé ? » Goldstein hésita. Il avait entendu dire que l’alcool fabriqué dans les alambics de la jungle était souvent toxique. « Quel genre est-ce ? dit-il pour gagner du temps. Est-ce du vrai whisky, ou du jus de jungle ? »
    Wilson se sentit offensé. « Dis donc, c’est de la bonne gnole, ça. On demande pas des questions comme ça quand on t’invite à prendre un coup.
    – Israël, s’ébroua Gallagher, c’est à prendre ou à laisser. » v
    Goldstein rougit. Par crainte de leur dédain il avait été sur le point d’accepter, mais maintenant il secoua la tête. « Non, non, merci », dit-il. « Et si ça m’empoisonnait ? pensa-t-il. Ça serait une jolie façon de laisser Natalie se débrouiller toute seule. Quand on a femme et enfant on ne doit pas courir des risques. » Il secoua de nouveau la tète, regardant leurs visages durs et impassibles. « Vraiment, je n’en ai pas envie », dit-il de sa voix douce et comme essoufflée, tout en attendant avec appréhension leur réponse.
    Tous lui manifestèrent leur dédain. Croft cracha et regarda ailleurs. Gallagher prit un air vertueux. « Pas un d’eux qui boit », grommela-t-il.
    Goldstein savait qu’il aurait dû s’en retourner à sa lettre, mais il fit une faible tentative pour se justifier. « Oh ! je bois, dit-il. J’aime un verre de temps à autre, avant le repas ou dans une partie de plaisir… » Il se tut. Dès l’instant où Wilson l’avait appelé il eut, au fond de lui-même, l’amère certitude qu’il allait à la rencontre d’un désagrément, certitude qui n’avait servi qu’à émettre au hasard des signaux avertisseurs auxquels il était incapable d’obéir.
    Wilson paraissait en colère. « Goldstein, t’es un chialeux, voilà ce que t’es. » Du haut de sa supériorité et de son bien-être, il ressentait un ennui condescendant a l’endroit de quiconque était trop stupide pour apprécier la chance qu’il avait tendue à Goldstein.
    « Eh, va donc écrire ta lettre », beugla Red. Il était de mauvais poil, et l’air ahuri et humilié de Goldstein l’offusquait. Il le méprisait pour son incapacité de dissimuler ses sentiments ; il goûtait, de plus, un plaisir ironique, à la fois sombre et amusé, d’avoir su avec exactitude ce qui allait arriver. Tout au fond de lui-même il nourrissait une trace de sympathie pour Goldstein, mais il la refoula. « Un homme vaut pas tripette si qu’il sait pas se défendre », grogna-t-il.
    Goldstein lit brusquement demi-tour et s’en alla. Le cercle se resserra, qui rapprochait les buveurs, et il y eut un lien presque tangible entre eux. Ils débouchèrent le troisième bidon.
    « C’a été une erreur d’essayer d’être gentil avec lui », dit Wilson.
    Martinez approuva du chef. « Qui payer la gnole, boire. Personne boire à l’œil. »
    Goldstein s’efforça de se remettre à sa correspondance, mais il lui était impossible d’écrire. Il songeait sombrement à ce que les hommes lui avaient dit et a ses propres réponses, regrettant de n’avoir pas imaginé les répliques qui maintenant lui venaient à l’esprit. « Pourquoi est-ce qu’ils s’acharnent tellement contre moi ? » se demanda-t-il sur le point de pleurer. Il reprit sa lettre, la relut, sans en saisir tout à fait le sens. Il projetait d’ouvrir un atelier de soudure après la guerre, et depuis qu’il était

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