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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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sais. J’aurais voulue que tu soyes avec moi, il faut que tu fasse très attention à toi paceque je peur de rester toute seule. Je t’aime beaucoup, chéri. »
    Il replia la lettre, la remit dans sa poche. Son front brûlant était le siège d’une sourde douleur. Il ne pensa ù rien pendant plusieurs minutes, et finalement il cracha avec amertume. « Aaah, les garces de femmes, l’amour, c’est tout ce qu’elles savent, je t’aime chéri, ce qu’elles veulent c’est tenir leur homme. » De nouveau il se mit à trembler. Pour la première fois depuis des mois le souvenir lui revenait des frustrations et des ennuis de sa vie conjugale. « Tout ce qu’une femme veut c’est tenir son homme et une fois que c’est fait elle devient une laidasse, un diable avec elles. » Il pensait combien Mary était pâle au réveil, comment sa joue gauche gonflait dans le sommeil. Des incidents, de petits faits de leur existence fermentaient lourdement dans sa cervelle comme une purée épaisse sur le point de bouillir. Elle avait l’habitude, à la maison, de porter un filet à cheveux étroitement serré sur ses tempes, et la coutume de traîner dans une combinaison à la bordure effilochée. Mais le pire, ce qu’il n’avait jamais consenti à s’avouer, c’est qu’il pouvait entendre, à travers la mince cloison de la salle de bain, les bruits qu’elle y faisait. Les trois années de mariage l’avaient flétrie. « Elle prenait pas soin d’elle-même », pensa-t-il avec hargne. Dans ce moment il haïssait son souvenir, il haïssait la souffrance qu’elle lui causa au cours des dernières semaines. « Les mamours, y a que ça qui les intéresse, et elles se fouleront pas de ça pour garder la ligne. » Il cracha de nouveau. « N’ont même pas de… des manières », se dit-il, pensant « modestie ». Il songea à la mère de Mary, une femme grasse et mal fagotée, et une rage inarticulée le saisit contre nombre de choses – à cause de sa belle-mère si immense, du minable petit logement où il avait vécu faute d’argent, de ses guignes à répétition, de sa femme qui le fit cruellement souffrir. Jamais la moindre petite veine, nom de Dieu. Il songea à Hennessey, et sa bouche se durcit. « Se faire bousiller-pourquoi, pourquoi ? » Il alluma une cigarette, suivit du regard l’allumette qu’il envoya dans le sable. Se battre pour les sacrés nom de Dieu de Yids. Il pensa à Goldstein. « Bande d’enculés, lâcher un foutre de canon, boiront même pas un coup à l’œil. » Il se leva pesamment, se remit à marcher. La haine, et une sourde douleur, cognaient dans sa tête.
    Un varech géant s’était échoué sur la plage, et Gallagher gagna le bord de l’eau pour y jeter un coup d’œil. L’algue, longue d’une cinquantaine de pieds, d’un brun sombre, d’un aspect scintillant, caoutchoutée, serpentiforme, lui donna une secousse d’horreur. Il se rappela les corps dans la grotte. « Quelle bande de bâtards soûls nous sommes », dit-il. Il était plein de remords, ou, plus correctement, parce qu’il avait le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal, il nourrissait son remords. Le varech l’effraya si bien qu’il reprit sa vadrouille.
    Après avoir marché quelques centaines de mètres il s’assit au sommet d’une dune qui surplombait la mer. Un orage s’annonçait, et il eut froid tout à coup. Un grand nuage, long d’une trentaine de milles peut-être et taillé en forme d’un poisson plat avait voilé une partie du ciel. Un souffle se leva, fouaillant le sable de nappes horizontales le long de la plage. Gallagher demeurait assis, attendant la pluie qui ne venait pas. Il jouissait de son cafard, de la nudité déprimante du paysage, de l’écume lointaine sur le rivage. Inconsciemment, il se mit à dessiner une femme dans le sable. Elle avait de grands seins, la taille étroite, des hanches pleines et très larges. Il examina son dessin avec sérieux, se souvint que Mary avait honte de ses petits bouts de seins. Une fois elle avait dit : « J’aurais voulu qu’ils soient grands.
    – Pourquoi ?
    – Je sais que t’aimes mieux quand ils sont grands.
    – Non, mentit-il, c’est tout juste bien comme ils sont. »
    Un remous de tendresse l’envahit. Mary était très petite, et il songea comment parfois elle lui paraissait semblable à une fillette, et combien son sérieux l’amusait. Il rit doucement, et, soudain, toutes défenses abolies, il

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