Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
Vom Netzwerk:
marié, mon général.
    – Est-ce que vous voulez revoir votre femme ? »
    Lanning rougit. « Elle m’a quitté il y a un an, mon
    général. »
    Le général se détourna, faisant crisser ses chaussures. « Commandant, traduisez demain cet homme devant le conseil de guerre. » Il s’arrêta sur le seuil. « Lanning, je vous préviens, vous ferez mieux de dire la vérité. Je veux le nom de chaque sous-officier de votre compagnie qui s’est livré à ce trafic.
    – Je n’en connais aucun, mon général. »
    Cummings sortit à grands pas dans le bivouac. Sa rage impuissante lui coupait les genoux. Le nerf de ce Lanning. « Je n’en connais aucun, mon général. » Le front entier était fait de sous-officiers comme lui, et il y avait gros à parier que les trois quarts de leurs rapports étaient faux ; même les officiers en ligne maquillaient probablement leurs patrouilles. Et le pire était qu’il n’y pouvait rien. S’il faisait traduire Lanning en conseil de guerre la sentence serait révisée, et il deviendrait notoire dans tout le Pacifique du sud que l’on ne pouvait pas compter sur ses hommes. Même si Lanning lui disait quels étaient les autres sous-officiers, il ne pourrait pas prendre les mesures „qui s’imposaient. Leurs remplaçants seraient probablement pires. Mais plutôt se faire damner que de renvoyer Lanning dans son unité sans l’avoir puni. Le faire périr comme un fruit sur la branche. On pourrait attendre que la campagne soit finie (si jamais elle finit) avant de le traduire en jugement, et entre temps on le soumettrait à toutes sortes d’interrogatoires, on lui ferait toutes sortes de promesses, jour après jour. Il marchait à grands pas, éperonné par sa colère qui se repaissait d’elle-même. Si Lanning résistait à ce traitement, il y avait d’autres moyens pour le briser. Et dût-il frotter le nez de ses hommes dans la boue, il allait leur apprendre que, pour eux, le moindre mal consistait à gagner la campagne. Ils aimaient leurs bivouacs, n’est-ce pas ? Eh bien, il y avait des méthodes pour y mettre bon ordre. Il pouvait y avoir dès le lendemain un mouvement général dans un sens ou dans un autre, des alignements de quelques centaines de mètres – avec de nouveaux trous à creuser, de nouvelles enceintes de fil barbelé à construire, de nouveaux assemblages de tentes. Et s’ils recommençaient à poser des chemins de caillebotis, à perfectionner leurs latrines, il y aurait d’autres mouvements à la clef. C’était ce génie, américain pour l’amélioration des domaines immobiliers : bâtissez-vous des maisons, prenez-y de l’embonpoint, et mourez-y.
    La discipline doit être resserrée à l’échelle de toute la division. Si d’aucuns tiraient au flanc en patrouille, alors d’autres simulaient des maladies à l’hôpital. Il se promit d’envoyer un mémo à l’hôpital de campagne pour y débusquer les cas douteux. Il y en avait absolument trop qui vivaient dans le coton, qui résistaient et dérogeaient à son autorité. Oh ! ils eussent été plus heureux sous un autre général, un boucher qui aurait inutilement gaspillé leurs vies. Parfait, s’ils ne se ranimaient pas avant peu, ils ne tarderaient pas d’avoir leur boucher. Ça n’est pas ce qui manquait, les manieurs de cognée militaires.
    Il rentra chez lui, furibond. Quelque chose, dans sa tente, avait changé depuis que Clellan y avait fait le ménage. Il tourna sur lui-même, examinant la place avec la sensation d’une angoisse immodérée.
    « Dieu ! » Le mot lui échappa, mi-grognement et mi-exclamation. Une lancinante douleur mêlée de crainte lui traversa la poitrine. Une allumette et un mégot traînaient au centre du plancher, réduits en pâte, en un vilain excrément fait de cendre noire, de papier souillé, et de tabac brunâtre.
    Il y avait aussi un mot pour lui, sur son bureau, qu’il venait seulement de remarquer :
    Mon Général,
    Vous ai attendu en vain. J’ai ramené les provisions comme indiqué.
    Hearn.
    C’était donc Hearn qui avait sali son plancher. Naturellement. En proie à un intense dégoût, il ramassa l’allumette et le mégot, les jeta dans la corbeille à papiers, puis éparpilla du pied une trace de cendre restée sur le plancher. Malgré lui, encore qu’il exécrât l’odeur de la cigarette éteinte, il se mit à renifler ses doigts.
    Quelque chose avait réagi dans la profondeur de ses entrailles, et un spasme de

Weitere Kostenlose Bücher