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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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respirer, comme si l’air était pollué. Tout paraissait bouger autour de lui, dans le noir. « Quelle nuit », se dit-il. Son cœur battait rapidement. « Oh ! Jésus, faites seulement que je sorte d’ici. »
    Son estomac se crispait et lui donnait des haut-le-cœur. « Je pourrai pas dormir, c’est sûr et certain. » La jalousie se prit à le tourmenter. Il se complut dans de longues imageries où il voyait Rosie faisant des avances à un homme ; elle allait danser toute seule à Roseland, puis, de fil en aiguille, cela aboutissait à l’inévitable – et ses épaules et le dos de ses cuisses se couvraient de sueur froide. Il commençait aussi à se faire de la bile à cause de sa famille. « Ils vont rester sans avoir de mes nouvelles pendant deux mois. Comment diable que je ferai pour leur envoyer une lettre ? Ils penseront que je suis mort. » Il eut un serrement de cœur en songeant à l’angoisse de sa mère. « Bon Dieu, les embarras qu’elle faisait quand j’attrapais un froid. Les mères italiennes et les mères Juives, c’est toujours comme ça qu’elles sont. » Il s’efforça de refouler les inquiétudes que lui causait la pensée de sa mère, songea de nouveau à Rosie. « Si elle a plus de mes nouvelles, c’est du coup qu’elle se mettra à galoper. » Il devenait amer. « Eh ! qu’elle aille se faire foutre, j’ai eu des poules avec qui je me suis amusé bien mieux qu’avec elle. C’est pas ça qui manque. » Il songea à l’éclat excitant de ses yeux, et il éprouva une agréable sensation de peine et de pitié. Il s’ennuyait d’elle.
    Le blessé poussa un nouveau cri, et Minetta se dressa dans sa couchette en frissonnant. « Faut que je dors un coup, c’est pas possible de continuer comme ça. » « Voilà le Japonais, je le vois, je le vois, je vais le tuer ! » hurla-t-il. Il quitta sa couchette, se mit à trotter sous la tente. Le sol de terre battue était froid et humide sous son pied nu. Il tremblait pour de bon.
    L’infirmier se leva de sa chaise, en soupirant. « Oh ! Dieu, quelle piaule. » Il prit une seringue sur sa table, s’approcha de Minetta. « Couche toi, Julot.
    – Va te faire enculer ! » Il se laissa conduire à son lit, retenant sa respiration alors que l’aiguille s’enfonçait dans sa chair. « Oh ! quelle vie », grommela-t-il.
    Le blessé de la poitrine faisait de nouveau entendre sa toux mêlée de borborygmes, mais il semblait à Minetta que le bruit lui arrivait de très loin. II se détendit, se sentant au chaud et bien à l’aise. « C’est une bonne chose cette camelote, se dit-il, pensant au sédatif. Je deviendrai morphinomane… eh, pourvu que je me tire d’ici… » Il s’endormit.
    En se réveillant, le matin, il s’aperçut que l’un des blessés était mort. La couverture recouvrait la tête du corps, et la saillie rigide de ses pieds mit une caresse glaciale le long de l’échiné de Minetta. Il regarda le cadavre, puis détourna les yeux. Une couche de silence enveloppait le mort. « Y a quelque chose de spécial avec un gars quand il est mort », pensa-t-il. Une vive curiosité s’empara de lui pour ce visage que la couverture dissimulait ; il se demandait l’air qu’il avait. S’il n’y avait eu personne sous la tente, il se serait approché du corps et aurait écarté la couverture. « C’est le type avec le trou dans la poitrine », se dit-il. Une fois de plus il eut peur. « Comment veulent-ils qu’on reste ici quand un pauvre gars a claqué à côté de vous ? » Un soupçon d’horreur jaillit en lui, le laissant avec un léger mal de cœur. Le sédatif lui avait donné une violente migraine, son estomac était cru, ses reins douloureux. « Oh ! Jésus, faut que je me lire de là. »
    Deux infirmiers firent leur entrée sous la tente, mirent le mort sur un brancard, et l’emportèrent. Aucun des blessés ne dit mot, mais Minetta n’avait pas quitté des yeux la couchette vide, « Je peux plus supporter une autre nuit comme la dernière. » Un aigre liquide remonta de son estomac à sa bouche, et il l’avala machinalement. « Oh ! merde. »
    Quand on lui eut apporté son petit déjeuner, il fut incapable d’y toucher. Il resta sur sa couchette à rêvasser, sachant qu’il était au-dessus de ses forces de passer une autre journée à l’hôpital. Il voulait regagner sa section. « N’importe quoi, pourvu que je sorte d’ici. »
    Le médecin arriva, et

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