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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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nouveau surchauffé la tente, et il marinait dans un plaisant mélange de chaleur et de sueur. Il se laissait aller à de longues scènes de séduction qu’il échafaudait avec minutie, se rappelant avec de petits frissons de volupté la ferme ceinture de chair qui ondulait au-dessus de la taille de Rosie. « Rosie est une chic fille, se disait il, je m’en vais l’épouser un de ces jours. » Il se souvenait de son parfum, de la ligne scintillante de ses cils. « Elle y met de la vaseline, décida-t-il, mais ça fait pas de mal quand une fille connaît tous les trucs. » Il pensa aux femmes qu’il eut depuis sa présence dans l’armée, et il se mit à en faire le décompte. « Quatorze, c’est pas mal pour un gars de mon âge, y en a pas beaucoup qu’ont fait mieux que moi. » Il revint à ses visions érotiques, mais cela devenait pénible. « Elles sont toutes faciles à s’envoyer ; y a qu’à leur filer le boniment, leur dire qu’on les aime. C’est des nigaudes, celles qui se laissent faire. » De nouveau il songea à Rosie, et il fut pris de colère. « Elle m’enjôle ; cette lettre où elle dit qu’elle dansera avec personne jusqu’à ce que je rentre, c’est du truc à la gomme… Je la connais, elle aime trop danser. Si elle ment là-dessus, pourquoi qu’elle mentira pas à propos de n’importe quoi ? » Il devenait jaloux, et pour donner libre cours à sa frustration il hurla tout à coup : « Attrapez ce Japonais ! » C’était si facile à faire. Il poussa un nouveau hurlement.
    L’infirmier quitta sa chaise, s’approcha de la couchette de Minetta, lui fit une piqûre dans le bras. « Je pensais que t’étais calmé, Julot, dit-il.
    – Le Japonais ! cria Minetta.
    – -Oui, oui, oui », fit l’infirmier, retournant à sa chaise. Minetta s’endormit bientôt après, et ne se réveilla qu’au matin suivant.
    Il se sentait drogué. Il avait mal à la tête et ses membres étaient engourdis. Le médecin passa sans même le regarder, et Minetta se mit à rager. « Ces nom de Dieu d’officiers ils croient que toute l’armée est là pour qu’ils se la coulent douce. » Il était profondément vexé. « Je vaux n’importe qui, moi ; pourquoi qu’un salaud quelconque me donnerait des ordres ? » Il se tortillait sur sa couchette, mal à son aise. « C’est un complot. » Une vague amertume le travaillait contre tout et tous. « Le monde entier est que de la fumisterie ; si on est pas de la haute, on a que le bout merdeux du bâton ! T’as tout le monde contre toi. » Il se rappela comment Croft avait ri en voyant sa blessure. « Il se fout des uns et des autres, il nous verrait aussi bien tous morts. » La douleur et la commotion et le saisissement lui revenaient, qu’il avait ressentis au moment où la balle l’avait frappé. Pour la première fois il était réellement effrayé. « J y retourne plus. Plutôt me faire fusiller. » Il avança ses lèvres. « Y a jamais moyen de savoir si on est à l’abri d’un mauvais coup. C’est pas une vie, ça.  Il broya du noir de tout l’après-midi. En deux jours et demi il était passé de l’allégresse à l’ennui et au ressentiment, et il se sentait un peu désespéré. « Je suis fait de bonne pâte, se disait-il, je suis de pâte à faire un sous-off si seulement ils me donnaient la chance, mais pas Croft. Croft fait que regarder son gars et le juge du premier coup. » Il repoussa sa couverture en jouant des jambes. « Pourquoi que je me donnerai du mal à me crever le Cul ? Je suis bon pour faire le boulot, mais ça paie pas. Ils peuvent se brosser, s’ils croient que je vais me décarcasser pour rien. » Il songea au temps où il avait fait son entraînement, quand il était le premier de sa section. « Y avait pas un seul troufion qui pouvait me posséder, pensait-il, mais on perd son ambition. Je deviens un clochard. J’en sais trop, voilà ma guigne. Ça vaut pas la peine de se fatiguer, parce que de toute façon on arrive jamais à rien dans l’armée. » Il se sentait tout triste d’y songer, et il réfléchissait avec un plaisir désabusé à sa vie ruinée, « Je connais la musique, je suis trop malin pour gaspiller mon temps. Une fois libéré, je saurai pas quoi faire de moi-même. Je serai pas capable de travailler, je serai foutu. Y a que les histoires de queues qui m’intéresseront. » Il se coucha sur le ventre. « Que foutre il y a d’autre dans la

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