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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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d’attachement qu’il ressentait d’ailleurs pour nombre de ses compagnons, et il y avait toujours la possibilité que cela finît de cette façon-là. Ce qui l’obsédait, c’était le souvenir de la nuit qu’ils passèrent ensemble sur le pont lors de l’attaque aérienne, quand Hennessey avait gonflé sa ceinture de sauvetage ; – le souvenir d’un moment de terreur et de panique comme si quelqu’un, quelque chose, les avait observés par-dessus leurs épaules en riant. Il y a des corrélations où il ne devrait pas y en avoir.
    Brown arriva derrière lui, regardant le corps d’un œil fixe et troublé. « Est-ce que j’aurais pas dû le laisser ? » demanda-t-il. Il s’efforçait de ne pas penser à sa responsabilité.
    « Qui prend soin des corps ?
    – Le service des enterrements.
    – Bon, je m’en vais les trouver pour qu’ils l’enlèvent », dit Red.
    Brown se renfrogna. « On doit se tenir tous ensemble. » Il se tut, puis enchaîna avec colère. « Nom de Dieu, Red, t’as drôlement la frousse aujourd’hui. Tu cherches des crosses à tout le monde puis tu te débines, tu piques des attaques de nerfs… » Il regarda Hennessey et ne termina pas sa phrase.
    Red l’avait déjà quitté. Cet endroit de la plage, Brown l’allait éviter pour le restant de la journée. Il cracha, essayant d’exorciser l’image qu’il gardait du casque d’Hennessey et de la tache de sang qui s’écoulait par la déchirure du métal.
    Les hommes de la section lui emboîtèrent le pas, et quand ils eurent rejoint Toglio, tous se mirent à creuser es trous dans le sable. Toglio tournait nerveusement en rond, répétant sans cesse qu’il avait hurlé à Hennessey de rester en place. Martinez essaya de le rassurer. « Okay, tu peux rien faire », lui dit-il à plusieurs reprisés. Il creusait son trou avec rapidité et aisance, se sentant calme pour la première fois de la journée. Sa terreur s’était évanouie avec la mort d’Hennessey. Rien ne pouvait lui arriver maintenant.
    Croft, à son retour, ne fit aucun commentaire des nouvelles que lui donna Brown. Brown en fut soulagé, se disant qu’il n’avait à se blâmer de rien, et il cessa d’y penser.
    Mais Croft, lui, n’arrêta pas d’y ruminer de tout le jour. Plus tard, alors qu’ils travaillaient au déchargement, il se surprit plus d’une fois à y penser. La mort d’Hennessey lui valut une réaction semblable à celle qu’il éprouva dans l’instant où il découvrit que sa femme le trompait. Dans cet instant-là, avant que sa rage et sa peine eussent commencé d’agir, il avait ressenti une lancinante excitation due à la certitude que sa vie venait de changer, et que certaines choses ne seraient plus jamais les mêmes, cette certitude, il l’avait de nouveau. La mort d’Hennessey lui avait ouvert des vues d’une telle omnipotence, qu’il n’osait pas les considérer en face. Tout le jour l’événement rôda dans sa tête, l’obsédant de rêves étranges et de présages de puissance.
    Deuxième Partie
    Forme et Argile
    Lors des exposés préliminaires qu’il avait faits devant on état-major, le général de brigade Edward Cummings, commandant en chef des troupes dans l’île, avait décrit Anopopéi comme ayant la forme d’un ocarina. L’image était assez exacte. Une haute arête de montagnes traversait dans son axe longitudinal le corps fuselé de l’île, longue de cent cinquante milles environ, large de cinquante. Faisant une saillie presque perpendiculaire au gros de l’île, une péninsule s’avançait en mer sur une vingtaine de milles.
    Les forces du général Cummings avaient débarqué sur la pointe de cette péninsule, et en peu de jours elles firent une avance de cinq milles environ. Ayant jailli hors des embarcations d’assaut, la vague initiale avait remonté la plage en courant et s’était retranchée aux approches de la jungle. Les vagues suivantes passèrent outre, s’infiltrant dans la forêt vierge le long des pistes précédemment déblayées par les Japonais. Il y eut peu de résistance pendant un jour ou deux, le gros de l’ennemi s’étant retiré dès le début du bombardement naval. Les premières avances ne furent que légèrement retardées par des embuscades mineures, établies au fond d’un ravin ou en travers d’une piste. Les troupes ne progressaient qu’avec précaution, quelques dizaines de mètres à la fois, dépêchant de nombreuses patrouilles pour

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