Les Nus et les Morts
premières phases de l’opération les hommes ne purent avancer que par de tout petits groupes qui allaient en tâtonnant. La Péninsule, sur ce point, n’avait que quelques milles de largeur, mais bien que le général eût finalement déployé un front de deux mille hommes, la liaison ne laissa pas d’être imparfaite. Entre deux compagnies de cent quatre-vingts hommes, il y avait toute la place voulue pour que n’importe quel nombre de Japonais pussent s’y glisser. Lors même que le terrain était comparativement clair, les compagnies n’essayaient pas toujours d’établir un commencement de ligne. Après une semaine de tâtonnements, le concept stratégique d’un front continu n’avait guère dépassé le stade d’un concept. Il restait partout des Japonais sur les arrières des troupes, et à travers la jungle, sur tout le terrain que le général avait conquis dans la péninsule, embuscades et escarmouches allaient bon train, au point que la partie saillante de l’ocarina paraissait couverte de cloques. La confusion était intense et continue.
Le général s’y était attendu, et il avait pris ses dispositions en conséquence. Deux tiers de ses forces, qui comptaient six mille hommes, furent gardées en réserve. Elles travaillaient au déchargement et battaient la jungle avec des patrouilles de sécurité. Avant le commencement de la campagne les services des renseignements l’avaient informé que les Japonais avaient au moins cinq mille hommes à lui opposer. Jusqu’à présent quelques centaines seulement de ces Japonais avaient pris contact avec ses troupes. Leur commandant, le général Toyaku, se préparait évidemment pour une défense prolongée. Comme pour confirmer cette supposition, les trop rares avions de reconnaissance que le G. Q. G. de l’armée mettait de temps à autre à la disposition du général Cummings avaient pris des photos montrant une puissante ligne de défense établie par Toyaku sur un front qui courait des contreforts de la montagne à la mer. Quand Cummings aurait atteint la base de la péninsule, il lui faudrait exécuter un tournant de quatre-vingt-dix degrés sur sa gauche et faire face à Toyaku.
Ces raisons justifiaient aux yeux de Cummings la lenteur de son avance. Une fois que ses hommes auront débouché devant la ligne Toyaku il sera essentiel de les ravitailler convenablement, d’où la nécessité d’une route qui pût y suffire. Dès le second jour de l’invasion il avait jugé avec justesse que les batailles décisives se dérouleraient fort loin de ses bases, et il fit immédiatement détacher un millier d’hommes à la construction de la route, qui fut commencée à partir d’une piste en assez bon état ont les Japonais s’étaient servis pour leurs transports motorisés entre le terrain d’aviation et la côte. Le génie de la division s’employa à l’élargir, puis à l’empierrer avec du gravier pris sur la plage. Mais derrière l’aéroport les pistes étaient rudimentaires, et après la première semaine un autre millier d’hommes furent assignés aux travaux de voirie.
Il leur fallait trois jours pour remblayer quinze cents mètres, et les troupes de ligne poussaient constamment de l’avant. Au bout de trois semaines elles avaient remonté la péninsule sur une quinzaine de milles, tandis que la construction de la rouie n’atteignait que la moitié de cette distance. Au-delà, le ravitaillement s’effectuait à dos d’homme, tâche qui occupait à son tour un millier d’hommes.
La campagne progressait sans incidents, de jour en jour. Le communiqué radiodiffusé n’en faisait plus mention. Lés pertes étaient légères, et la ligne du front avait finalement acquis une certaine forme. Le général suivait l’activité ininterrompue des hommes et des camions entre le camp sur la plage et la jungle, se contentant temporairement de nettoyer ses arrières des Japonais qui s’y trouvaient encore, de construire la route, et de faire n’avancer ses premières lignes d’un pas mesuré. Il savait que dans une semaine ou deux, dans un mois au plus, la véritable campagne allait commencer.
Tout était nouveau pour les bouche-trous fraîchement débarqués, et ils se sentaient misérables. Ils semblaient trempés tout le temps. De quelque manière qu’ils se prissent pour monter leurs* tentes, elles s’écroulaient au cours de la nuit. Ils n’arrivaient pas à ancrer dans le sable les piquets de façon à les y faire
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