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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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tenir. Quand il commençait n pleuvoir, ils ne voyaient pas d’autre solution que de ramasser leurs jambes et d’espérer que leurs couvertures ne seraient pas trop trempées. Au milieu de la nuit on les réveillait pour la garde, et ils allaient en trébuchant s’asseoir dans quelque trou humide, écarquillant les yeux au moindre bruit.
    Ils étaient trois cents, et tous se sentaient un peu émus. Tout leur était étrange. Pour une raison ou une autre ils ne s’étaient pas attendus à être de corvée dans une zone de combat, et ils étaient désorientés par le contraste entre l’activité pendant le jour, quand camions et embarcations n’arrêtaient pas d’aller et de venir, et la quiétude des soirs, quand tout devenait paisible. Il faisait alors plus frais, et de l’autre côté de l’eau le coucher du soleil était presque toujours très beau, ^es hommes fumaient leur dernière cigarette avant la nuit, ils écrivaient des lettres, ou bien ils s’efforçaient de consolider leurs tentes avec une pièce de bois. Avec la venue de la nuit, la bataille mettait une sourdine ; le crépitement lointain des petites armes à feu et l’écho distant de la canonnade semblaient ne concerner personne. Tout était confus et compliqué, et chacun fut content parmi les bouche-trous quand on les eut enfin incorporés dans leurs compagnies respectives.
    Croft, lui, n’était pas content. Il avait espéré, contre toute vraisemblance, que sa section recevrait les huit hommes dont elle avait besoin, et à son dam on ne lui en assigna que quatre. Ce fut, pour lui, le couronnement d’une série de frustrations depuis qu’il avait débarqué avec sa section à Anopopéi.
    Première contrariété : ils ne virent pas de combat. Obligé de laisser la moitié de sa division pour faire garnison à Motome, le général n’avait fait venir à Anopopéi qu’une partie seulement de ses officiers et de son personnel subalterne. On leur assigna des tentes dans le bivouac du 460’régiment, et il fut décidé d’établir celles du G. Q. G. à l’ombre d’un bouquet de cocotiers, sur un petit escarpement sablonneux qui dominait la mer.
    La section de Croft avait été désignée à cet établissement. Leur nouvelle tâche leur échut après seulement deux jours de corvée sur la plage, et ils passèrent le restant de la semaine à nettoyer les broussailles, à poser des barbelés, à niveler le sol pour les tentes du mess. Ceci fait, leur emploi du temps était devenu tout de routine. Chaque matin Croft devait assembler sa section pour la présenter au travail sur la plage ou bien au chantier de la voirie. Une semaine s’écoula de la sorte, et puis une autre – sans patrouilles.
    Croft rongeait son frein. Ces corvées, encore qu’il y eût apporté la même efficacité qu’il mettait à exécuter toute tache qu’on lui confiait, ces corvées l’irritaient. L’immuable routine quotidienne le dégoûtait. L’arrivée des bouche-trous procura une issue à son ressentiment. Avant qu’ils eussent été repartis dans leurs unités, il ne les avait pour ainsi dire pas quittés des yeux, observant comme ils pliaient leurs tentes, comme ils se présentaient à l’appel pour la corvée, et, tel un entrepreneur qui envisage l’agrandissement de son chantier, il s’était complu à calculer toutes les patrouilles qu’il aurait pu commander avec son plein de dix-sept hommes.
    Quand il apprit qu’on ne lui donnait que quatre hommes, il se sentit furieux. Cela lui en faisait treize en tout, quand, sur le papier du moins, une section de reconnaissance devait compter vingt hommes. A Motome, sept de ses gars furent assignés à titre permanent aux services des renseignements du régiment, et ils étaient bel et bien perdus pour lui. Ils n’allaient jamais en patrouille, ils ne montaient jamais la garde, ils ne participaient pas aux corvées, ils étaient commandés par d autres gradés  – si bien qu’il ne se rappelait même plus leurs noms. Et tandis que toute autorité lui fut enlevée sur ces sept-là, il s’était vu obligé de composer des patrouilles de trois ou quatre hommes seulement, alors qu’il en eût fallu le double.
    Pour ajouter à sa déconvenue, il découvrit qu’un cinquième homme, assigné pourtant à sa section, avait été érigé sur une escouade du Q. G. Après le rata du soir, il gagna à grandes enjambées la tente des officiers de semaine au Q. G. et amorça une dispute avec le capitaine

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