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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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passer cette carte, s’il vous plaît.
    – Mon général, sursauta Hearn.
    – J’ai dit passez-moi la carte, dit Cummings, se retournant vers Dalleson.
    – Celle-ci ?
    – Quelle autre carte y a-t-il là-bas ? » cracha Cummings.
    La carte était fixée sur une large planche à dessin et recouverte d’une feuille de celluloïd maintenue avec des punaises. Sans être lourde, la planche était malaisée à manier à cause de ses dimensions, et Hearn, incapable de voir le plancher, devait se déplacer avec précaution.
    Tout à coup il se rendit compte que ce déménagement était inutile. Cummings aurait pu très facilement faire les quelques pas qui le séparaient de la carte, et d’ailleurs il la connaissait par cœur.
    « Dépêchez-vous », aboya Cummings.
    Dans le moment où Hearn se trouva à la hauteur de Cummings, tout lui apparut grossi. Il vit en détail chacun de ses traits, le rougeoiement de son épidémie dans In chaleur de la tente, ses grands yeux nus qui le regardaient avec une indifférence méprisante.
    Cummings avança son bras. « Eh bien, remuez-vous, passez-moi ça. » Ses mains se tenaient prêtes à recevoir la carte.
    Hearn laissa aller la planche un peu prématurément, peut-être même la projeta-t-il vers le bas. Peu lui importait, car il savait qu’il voulait la lui faire échapper des mains. Et il y parvint. La planche frappa un coup sourd sur le poignet du général et roula par terre.
    En tombant, elle atteignit le général sur le tibia.
    La planche rebondit sur le sol, et la carte et la feuille de celluloïd se défirent. Hearn regarda Cummings, éprouvant quelque chose entre la terreur et le triomphe. Il perçut sa propre voix, froide et un rien ironique. « Je suis désolé, mon général. »
    La douleur était cuisante. Venant à la suite de l’effort qu’il avait fait pour garder sa contenance, elle était in supportable. A son horreur il sentit des larmes lui monter aux yeux et, baissant les paupières, il essaya désespéré ment de les contenir. «  Nom de Dieu ! rugit-il. POURQUOi ne faites-vous pas attention ? » Aucun d’eux ne l’avait jamais entendu crier, et Stacey frissonna.
    Mais, d’avoir crier le soulagea, et il put résister à la tentation de se frotter le tibia. La douleur se résorbait en une sourde pulsation. Il se sentit cependant à la limite de l’épuisement, et une crampe de diarrhée le saisit. Pour la combattre, il se pencha en avant sur sa chaise : « Voulez-vous reclouer le-celluloïd. Hearn ?
    – Oui, mon général. »
    Rampant à quatre pattes, Dalleson et Stacey s’affairaient autour des sections de la carte qui s’étaient détachées dans la chute. Hearn adressa à Cummings un regard vide et se baissa pour ramasser le celluloïd.
    « Est-ce que ça fait mal, mon général ? » Sa voix avait un accent de franche sollicitude.
    « Ça va, merci »
    La chaleur était devenue plus oppressive sous la tente. Cummings se sentait un peu faible. « Commandant, quand on aura réparé la carte vous prendrez soin de la modification dont je vous ai parlé, dit-il.
    – Oui, mon général », dit Dalleson, toujours agenouillé.
    Cummings quitta la tente, s’appuyant au passage sur l’un des montants. L’air nocturne était presque froid contre ses vêtements humides. Il regarda autour de lui, se massa délicatement le tibia, puis traversa en boitillant le bivouac.
    Il avait éteint sa lampe à essence en sortant, et il s’allongea sur sa couchette dans le noir, regardant les vagues contours de la tente. Comme dans ceux d’un chat, une lueur se réfléchissait dans ses yeux, et en pénétrant sous la tente c’est eux que l’on aurait aperçus avant toute chose. Une puissante pulsation se faisait sentir dans son tibia et son estomac était un peu dérangé. La chute de la planche à dessin sur ses^ jambes avait libéré tous les maux qui s’étaient accumulés en lui au cours des derniers deux mois de travail et de concentration intenses. Ses chairs  rouillaient comme s’il avait la gale et une sueur excessive baignait son corps. Il connaissait ça, il appelait ça « craquer dans ses coutures », ça lui était arrivé à Motome et à plusieurs reprises dans le passé. C’était une contrainte que son corps lui imposait, et avec une acceptation passive, presque soumise, Cummings lui laissait aller son cours, permettant à son esprit de lui emboîter le pas ; puis, toujours, il remontait la pente en une

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