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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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absorbées, il était fondamentalement comme Cummings. Comme Cummings, encore que sans l’espèce d’impulsion qui faisait dire à celui-ci : « Ma femme est une garce. » Mais, même ainsi, en était-il certain ? Oui, Cummings avait raison : ils étaient tous deux de la même espèce, d’où d’abord leur intimité, l’attraction réciproque qu’ils avaient ressentie l’un pour l’autre, puis la haine.
    Cette haine était toujours vivace entre eux, quant à lui du moins. Chaque fois qu’il apercevait Cummings, ne fût-ce que pour un moment, la même peur et la meme haine le saisissaient aux boyaux, la même évocation pénible de cet instant où il s’était baissé pour ramasser le mégot. C’était toujours humiliant, toujours révélateur. Il ne s’était jamais rendu compte de l’étendue de sa vanité, ni de la haine dont il était susceptible quand on la blessait. Certes, il n’avait jamais haï personne à l’égal de Cummings, La semaine qu’il avait passée au G-3 sous Dalleson, il la vécut en veilleuse ; il s’était assimilé la routine, avait fait machinalement son travail, s’était laissé lentement consumer par une frustration presque insupportable. Puis il commença de se ressaisir ; cet après-midi il décocha une chiquenaude à Dalleson, ce qui indiquait quelque chose de neuf, quelque chose de pas très plaisant. S’il restait ici il était bon a s’épuiser dans une suite de rébellions sans portée qui ne feraient qu’approfondir son humiliation. Il fallait s’en aller d’ici, se faire transférer, mais Cummings n’y consentirait pas. Et sa rage, qu’il avait sauvagement dominée tout au long de la semaine, recommençait de le travailler. Si seulement il pouvait aller trouver Cummings et lui demander une section en ligne, mais c’eût été fatal. Cummings lui accorderait plutôt n’importe quoi, sauf ça.
    Le téléphone sonna et Hearn décrocha l’écouteur. A l’autre bout du fil la voix crachota : « Ici Paragon Red, rapport négatif de 0030 à 0130. »
    « Bon. » Il raccrocha, regardant le message qu’il venait de gribouiller sur un bloc-notes. Il s’agissait d’un rapport tout ce qu’il y avait de plus routinier, que chaque bataillon communiquait téléphoniquement d’heure en heure. Une cinquantaine de rapports semblables étaient reçus en moyenne au cours d’une nuit ordinaire. Il prit son crayon, sur le point de consigner le message dans le Journal, quand Dalleson pénétra sous la tente. Stacey, qui sommeillait sur un magazine, sauta sur ses jambes. Dalleson avait donné un coup de peigne rapide à ses cheveux, et son lourd visage était rouge de sommeil. Il regarda inquisitivement par la tente, battant des yeux sous la clarté des lampes. « Tout va bien ? demanda-t-il.
    – Oui », dit Hearn. Il se rendit brusquement compte que les soucis de la campagne avaient troublé le sommeil de Dalleson, et cela l’amusa.
    « J’ai entendu sonner le téléphone, dit Dalleson.
    – C’était Paragon Red, rapport négatif, c’est tout.
    – -L’avez-vous consigné ?
    – Pas encore, mon commandant.
    – Eh bien faites-le donc », bâilla Dalleson.
    Hearn, qui avait consigné précédemment plusieurs rapports, s’assura d’un coup d’œil de la forme sous laquelle ils étaient couchés dans le journal, puis il y copia le message reçu.
    Dalleson s’approcha, examina le journal, tâtant du doigt le dos du livre. « Tâchons de le faire plus nettement la prochaine fois. »
    Il voulait être pendu s’il allait se laisser chapitrer par Dalleson comme un enfant. « Je ferai de mon mieux, mon commandant », marmonna-t-il sarcastiquement.
    Dalleson mit son gros index sous la notation. « De quel temps s’agit-il dans ce rapport ? demanda-t-il à brule-pourpoint.
    – Zéro zéro trente à zéro un trente.
    – Alors pourquoi diable ne l’avez-vous pas inscrit comme ça ? Sacré nom de Dieu, vous avez mis vingt-trois trente à zéro zéro trente. Est-ce que vous ne savez même pas lire ? Vous ne savez donc fichtre pas l’heure qu’il est ? »
    Il avait simplement recopié le temps du rapport précédent. « Désolé, grommela-t-il, furieux de s’être trompé.
    –  Qu’allez-vous faire maintenant avec ce rapport ?
    –  Du diable si je le sais. Je n’ai pas l’habitude de ce travail.
    – Eh bien, je m’en vais vous le dire, fit Dalleson en se rengorgeant. Si vous débarrassez votre cervelle de ses toiles

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