Les Nus et les Morts
intéressées – par exemple j’ai des amitiés chez les Cagoulards qui peuvent influencer certaines maisons 7 – par la Chemical – grâce à des services rendus dans le passé. Ces maisons pourraient à leur tour contrôler, si nécessaire, (a décision d’un bloc de soixante-quinze députés. (Il lève la main.) Je sais que vous préférez ne pas en venir au vote, mais cela personne ne peut vous le garantir. Je suis à même d’ôter au vote tout élément d’incertitude. Nombre de ces députés sont en état d’influencer les membres du cabinet.
Il marque une pause. Cette politique est complexe.
Je m’en rends compte.
Il y a plusieurs radicaux-socialistes haut placé aux Affaires Etrangères, que je puis influencer. Je sais par un de nos services que certaines informations les concernant sont négociables. Ils se montreront raisonnables. J’ai en ma possession des dossiers confidentiels sur des douzaines de journalistes, sur plusieurs personnages à la Banque de France. Un bloc de socialistes est contrôlé par un chef syndicaliste avec lequel j’ai mes ententes. Ces filières, toutes indirectes, s’additionnent, créent la dispersion voulue. Vous comprenez bien que je n’agis pas tout seul. Je puis vous donner l’assurance qu’il n’y aura aucune volte face politique dans les prochains dix-huit mois ; au-delà c’est à l’histoire de se prononcer, et elle, personne au monde ne la peut détourner indéfiniment.
Ils parlent pendant plusieurs heures, élaborent les premiers termes d’un accord.
En prenant congé, Cummings sourit. Nous œuvrons, en fin de compte, au bien de la France et de l’Amérique.
Sallevoisseux sourit lui aussi. Cela va de soi, commandant Cummings. Un énoncé spécifiquement américain savez-vous ?
Vous me communiquerez les dossiers en votre possession. Demain, cela vous va ?
D’accord !
Un mois plus tard, ayant accompli la part qui lui incombe dans la mission, Cummings va à Rome. IJn télégramme l’y attend de son beau-frère.
Dispositions préliminaires satisfaisantes. Excellent travail. Félicitations.
Il a une conversation avec un colonel italien qui fait partie de la mission. J’aimerais que vous voyiez, signor maggiore, ce que nous avons fait pour combattre la dysenterie dans notre brillante campagne africaine. Nous avons mis au point une série de mesures sanitaires soixante-treize pour cent plus effectives contre la terrible, la maligne propagation de cette maladie.
La chaleur est étouffante. En dépit des tirades du colonel italien il souffre de la diarrhée, et il pâtit d’un gros rhume. Une lettre lui parvient de son beau-frère.
Je pense qu’il est honteux de venir gâter la légitime joie que vous devez ressentir après avoir si bien œuvré à Paris, mais je me sens vraiment tenu à vous écrire, comme vous savez Margaret est descendue chez moi à Washington depuis une quinzaine de jours, et pour juger les choses aussi indulgemment que possible, son comportement est très bizarre. Il y a un certain laisser-aller dans son attitude, qui ne convient pas à une personne de son âge ; je dois confesser qu’il m’est parfois difficile d’admettre qu’elle est ma sœur. Si ce n’était pas par égard pour vous, je lui dirais de quitter ma maison. Je regrette de ruiner ce que vous devez considérer à juste titre comme vos vacances, mais je pense qu’il ne serait pas mauvais que vous songiez à rentrer. Ne manquez pas de voir Monsignor Truffenio et de lui transmettre mes hommages.
Haine lassée, désormais sans passion. J’espère seulement qu’elle ne fera pas d’esclandre, se dit-il en jurant. Il a un cauchemar cette nuit-là, et se réveille tout fiévreux dans son lit. Pour la première fois depuis une couple d’années il songe à son père, se souvient de sa mort survenue quelques années plus tôt, et un restant de vieille angoisse s’empare de lui. Minuit passe, obéissant à une impulsion, il se rhabille, marche dans les rues, échoue dans un bar où il s’enivre.
Un petit homme lui flatte le dos, Signor maggiore, vous venir chez moi, maintenant ?
Il titube, vaguement conscient de désirer quelque chose qu’il ne peut définir. Dans une traverse le petit bonhomme et un comparse, lui sautent dessus, lui font les cloches, et le laissent sur le pavé où il revient à lui dans l’âpre éclat de l’aube et la vive puanteur que le premier soleil lève dans les ruelles de Rome jonchées d’ordures. Il réussit à
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