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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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derrière lui.) Bon, t’as gagné Julot, et demain tu seras payé. On a un gars pour ramasser le fric, et un autre gars pour payer les gagnants. On est une grosse affaire nous autres, y a pas que ton ticket.
    Comment que je sais qu’on me paiera demain ?
    Combien que t’as misé ?
    Trois centimes.
    T’as gagné vingt et un dollars, hein ? Quesqué tu crois, que ça va nous ruiner ? Il rit. T’auras ton fric, Julot.
    (L’autre pose la main sur son avant-bras.) Je voudrais que c’est ce soir, m’ssieu, je la crève de soif.
    Polack soupire. Là, Julot, voilà un dollar. Rembourse-le demain à Fred,, quand il te paiera.
    Le bonhomme prend le dollar, le regarde dubitativement. Vous êtes régulier, m’ssieu.
    Oui, Julot, oui. (Il se débarrasse de la main de l’autre, traverse la boutique, monte dans sa voiture.) Tout en conduisant, il secoue la tête. Un profond mépris fermente en lui.
    Menu fretin. Un pauvre con qui gagne vingt et un dollars et qui croit qu’on ira se cacher sous la table pour
    as le payer. Jésus, quel foutriquet qu’un gars qui se met chialer pour vingt et un dollars.
    Bonjour mamma, comment va, comment va la chérie de Casimir ?
    Sa mère jette un coup d’œil soupçonneux par l’entrebâillement de la porte, et, l’ayant reconnu, elle le laisse entrer.
    Je t’ai pas vu depuis un mois, fils, dit-elle en polonais.
    Deux semaines, un mois, quelle différence que ça fait ? Je suis toujours dans les environs, pas ? Voilà des bonbons. (Voyant le regard dubitatif de sa mère, il fronce le sourcil.) T’as pas encore arrangé tes dents ?
    Elle hausse les épaules. J’ai fait de petits achats.
    Pour l’amour de Dieu, maa, quand est-ce que tu vas le faire à la fin ?
    J’ai acheté du tissu pour des robes.
    Marie de nouveau, hein ?
    Une fille qu’est pas mariée a besoin de s’habiller.
    Aaaah. (Marie vient d’entrer, elle lui adresse un signe de la tête, froidement.) Quesqué tu deviens, bonne à rien ?
    Casimir, ta bouche.
    Il pince ses bretelles. Pourquoi diable que tu te marieras pas et qu’on fiche la paix à maa ?
    Parce que tous les hommes sont comme toi, toujours en chasse.
    Elle veut se faire nonne, dit sa mère.
    Bigre, une nonne. Il la regarde appréciativement. Une nonne !
    Stève pense qu’elle fera peut-être bien.
    Il jauge objectivement son visage étroit, son teint brouillé, le jaunissement de ses paupières inférieures. Oui, peut-être qu’elle fera bien. De nouveau il ressent du mépris, où se mêle une vague compassion. Te sais, momma, je suis un chanceux.
    T’es un escroc, dit Marie.
    Tais-toi, dit la mère. Eh bien, fils, si t’as de la chance, c’est bien.
    Aaah. (Il s’en veut. C’est une mauvaise idée de dire qu’on a de la chance.) Vas-y, fais-toi nonne… Comment va Stève ?
    Il travaille si dur. Son Mickey, le plus petit, a été malade.
    J’irai le voir un de ces jours.
    Vous ferez bien de vous serrer les coudes, les enfants.
    (Deux sont morts, les autres sont mariés – sauf Marie et Casimir.)
    Oui. Il a payé à sa mère cet appartement ; il a offert les napperons de dentelle, la nouvelle chaise capitonnée, les chandeliers sur la table. Mais l’endroit est indiciblement terne, Aaaah, c’est à vous dégoûter de tout.
    Quoi, Casimir ?
    Rien, momma. Faut que je file maintenant.
    T’es seulement arrive.
    Oui, je sais. Voilà, voilà un peu d’argent. Est-ce que tu vas te faire arranger les dents, pour l’amour du Christ ?
    Au revoir, Casimir. (C’est Marie.)
    Oui, au revoir gamine. II la regarde de nouveau. Une nonne, hein ? Bon. Bonne chance, gamine.
    Merci, Casimir.
    Sûr, voilà un petit quelque chose pour toi aussi. Vas-y, prends-le. Il lui fourre l’argent dans la main, se glisse par la porte et dégringole l’escalier. Des enfants essaient de faire sauter les enjoliveurs de sa voiture, et il les met en fuite. Il ne lui reste que trente dollars. Pas beaucoup pour tenir pendant trois jours, et dernièrement il perd au poker qui se joue chez Lefty.
    Il hausse les épaules. Gagner, perdre, c’est écrit tout ça.
    Il se débarrasse de la petite brunette assise sur ses genoux, rejoint en flânant Lefty et le voyou de la bande à Kabriskie. L’orchestre de quatre musiciens engagé pour la soirée joue doucement, et déjà çà et là la boisson a été répandue sur les tables.
    T’as besoin de moi, Lefty ?
    Faites connaissance. Ça c’est Wally Boletti. Ils échangent un signe de tête, puis causent un

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