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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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peu.
    T’es un gars à la hauteur, dit Lefty.
    Un de première.
    Kabriskie a besoin de quelqu’un pour faire marcher les filles dans la partie sud de son secteur.
    C’est ce qu’il a besoin, hein ?
    Oui.
    Il rumine pendant une minute. (C’est du pèze bien sûr, rudement plus que la loterie, et il en a bien besoin, mais…) C’est une combine casse-cou, grogne-t-il. (Un petit changement dans la politique locale, un coup de pied en vache par un autre secteur, et c’est lui qui sera le bouc émissaire.)
    Quel âge que t’as, Polack ?
    Vingt-quatre ans, ment-il.
    Foutrement jeune, dit Wally.
    Je veux réfléchir à la chose, dit Polack. C’est la première fois de sa vie qu’il se sent incapable de prendre une décision.
    Y a pas -de presse, mais on dit pas que la place sera toujours à prendre la semaine prochaine.
    Eh bien ça sera tant pis pour moi.
    Seulement, le lendemain, tandis qu’il hésite encore, une convocation arrive de son centre mobilisateur. Il jure sourdement. Il y a dans la Madison Street un type qui perce les tympans, et il lui donne un coup de téléphone.
    Mais, sur son chemin pour l’aller trouver, Polack change d’idée.
    Aaaah, merde, la chance tourne casaque. Il fait demi-tour et rentre calmement chez lui. Un étonnement se fait jour dans ses pensées.
    C’est quelque chose ça, marmonne-t-il.
    Mais ce n’est pas ça. Polack n’a jamais entendu parler d’un deus ex machina, et c’est une idée toute nouvelle pour lui.
    Tu prévois tous les côtés d’une combine, puis quelque chose d’imprévu arrive. Il se sourit. Y a pas une place au monde où je me démerderai pas.
    Son étonnement s’atténue. Même si ce quelque chose d’imprévu arrive, y a toujours des trucs pour celui qui sait ouvrir l’œil.
    Bmiiiiip. Il presse son avertisseur, passe en trombe un camion.
     
    Quelques heures plus tard, vers midi, à des milles de là, les brancardiers se débattaient avec leur charge. Ils avaient trimbalé Wilson toute la matinée sous la chaleur métallique du soleil tropical, leurs forces et leur volonté dissoutes dans leur transpiration. Déjà ils s’avançaient dans un état d’abrutissement ; leur sueur les aveuglait, la langue leur collait au palais, des tremblements continus agitaient leurs jambes. La chaleur réverbérait de toute chose, elle miroitait au-dessus de l’herbe, elle tourbillonnait tout autour avec la résistance assoupie de l’eau ou de l’huile. Ils se faisaient l’impression d’avoir la tête emmaillotée de velours, de respirer un air surchauffé – un mélange combustible gui semblait leur exploser dans les poumons. Ils se traînaient pas à pas, la tête branlante, laissant échapper des sanglots qui leur lacéraient la gorge. Au bout de quelques heures de ce régime ils se faisaient l’effet de marcher sur un lit de flammes.
    Ils charriaient Wilson comme ils se seraient débattus avec un roc, ahanant à l’agonie pendant cinquante ou cent ou même deux cents mètres, -jouant des pieds et des mains comme des déménageurs de piano, puis ils reposaient le brancard et demeuraient debout sur leurs jambes qui flageolaient, la poitrine avide d’un air désormais tari sous la voûte plombée du ciel. Craignant de s’abandonner, se sentant rivés au brancard, ils se ressaisissaient au bout d’une minute et se remettaient à la tâche pour une nouvelle petite étape à travers les collines dont les jaunes et les verts se succédaient à l’infini. Dans les montées ils s’enfonçaient dans des fondrières, s’immobilisaient sans lâcher prise, leurs jambes incapables d’un autre mouvement, puis ils se raidissaient, avançaient de quelques pas, tombaient de nouveau en arrêt et se regardaient les uns les autres. Et dans les descentes leurs cuisses flageolaient sous l’effort de freiner, de ne pas se laisser emporter à toute allure, tandis que les crampes qui nouaient les muscles de leurs mollets les poussaient à s’effondrer dans l’herbe et à faire le mort pour le restant de la journée.
    Wilson était conscient et il souffrait. Tout cahot lui arrachait des gémissements, et ses incessantes contorsions dérangeaient l’équilibre de la civière et les faisaient trébucher. Ils ressentaient vivement les jurons dont il les couvrait de temps à autre. Ses cris et ses hurlements papillotaient dans la chaleur qui les accablait et les aiguillonnaient pour un nouveau parcours de quelques mètres.
    « Nom de Dieu vous autres, je l’ai

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