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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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faire balader à des milles dans la campagne. Sa mère lui trouve du travail comme garçon livreur dans une boucherie où il reste une couple d’années, a ne manque pas toujours d’intérêt, quand il est âgé de treize ans une de ses clientes le séduit.
    Oh ! bonjour, dit-elle en ouvrant la porte, tu es le fils de madame… madame…
    Le fils de madame Czyniewicz, madame.
    Oui, je connais ta mère.
    Où voulez-vous que je laisse la viande, madame.
    Là-bas. Il pose son paquet, regarde la femme. Je crois que c’est tout.
    Assieds-toi, tu dois être fatigué.
    Nan, j’ai un tas de commandes à livrer.
    Assieds-toi.
    Il la regarde. Oui, bon, peut-être bien.
    La chose faite, il se sent comme si son éducation venait d’être complétée. Il sait depuis longtemps qu’on ne doit avoir confiance en personne, mais cela ne concernait pas les femmes. Maintenant il est positif qu’à leur tour les femmes sont aussi sûres que le sable mouvant des affaires conclues sur parole.
    En s’en allant : Eh bien, au revoir…
    Appelle-moi Gertrude. Elle se trémousse.
    Il n’a pas pensé à elle comme à quelqu’un avec un nom. Même dans cet instant elle est M me  Untel, une porte où il délivre de la viande.
    Au revoir, Gertie. On se reverra.
    Ce n’est que des heures plus tard que les avantages, les beautés les souvenirs absorbants de cette affaire – qu’il connaît de nom depuis si longtemps – se révèlent à lui. Il la revoit le lendemain et lui rend de fréquentes visites au cours de cet été-là.
    Les années s’écoulent, il grandit, il est très sagace pour son âge, mais il ne change guère. Il va d’occupation en occupation, devient boucher, travaille aux abattoirs, conduit une voiture de maître pour des gens qui habitent le North Side, mais il a tôt fait d’épuiser les possibilités que lui offrent ces emplois dont il connaît par avance les limitations.
    En 1941, âgé de dix-huit ans, il revoit Lefty Rizzo dans un match de base-ball. Ils s’assoient ensemble. Lefty prend déjà de la bouteille, il a l’air de prospérer. Avec sa moustache qui le vieillit de huit ans, on lui donnerait la trentaine.
    Eh, Polack, qu’est-ce que tu deviens ?
    J’essaie de donner dans le mille.
    Lefty rit. Toujours le même vieux Polack, dis, le même rigolo. Pourquoi que t’as pas essayé de me toucher ? J’aurais pu te décrocher un petit quelque chose.
    Vrai, j’y ai pas pensé. (Mais il y a plus. Son code, jamais formulé, le gouverne. Quand un copain est à flot, y demande rien sans qu’il te le propose.)
    Eh bien, je peux t’employer.
    Hou, Novikoff, espèce de sale Russe, t’as peut-être bientôt fini de taper dans le vide ! crie Polack à l’adresse du batteur. Il pose ses pieds sur la banquette de devant. Quesqué t’as dit ?
    Je peux t’employer.
    Polack grimace, avance les lèvres. Peut-être qu’on peut s’entendre, dit-il d’un air détaché.
    Il s’achète une voiture à crédit, verse le paiement d’acompte avec ce qu’il a économisé pendant ses deux premiers mois.. Après dîner il fait le tour des confiseries et des boutiques de coiffeur pour encaisser les mises de la loterie clandestine. Sa tournée finie il remet à Lefty l’argent et les reçus, puis il gagne son nouvel appartement meublé. Il touche cent dollars par semaine.
    Une nuit un petit événement a lieu.
    Hé, Al, comment va ? Il s’accoude sur le comptoir, se choisit deux cigares de bonne qualité. (Roulant le cigare dans sa bouche.) Quesqué tu dis de neuf ?
    Al, un homme entre deux âges, lui passe un sac avec de la monnaie. Hé, Polack, y a un type qui veut être réglé. Son numéro est sorti.
    Polack hausse les épaules. Pourquoi que tu dis pas à ce fortuné monsieur que Fred sera ici demain avec le fric ?
    J’y ai dit, il me croit pas. Le voilà. (Un bonhomme efflanqué, misérable, le nez rouge et pointu.)
    Quesqui va pas, mon pote ? dit Polack.
    Dites, je cherche pas d’histoires m’ssieu, je veux pas de casse, mais mon numéro est sorti et tout ce que je demande c’est mon argent.
    Doucement, mon pote, laisse qu’on respire un coup. Il cligne de l’œil vers le boutiquier. Te vas pas te mettre en boule des fois ?
    Ecoutez m’ssieu, tout ce que je veux c’est mon argent. Le 572 est sorti, pas ? Regardez, voilà mon billet. (Deux gosses les observent qui sont venus pour une sucrerie, et Polack saisit le bonhomme par le bras,)
    Entrons ici pour discuter le coup. (Il rabat la porte

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